Par les muses seulement l'homme est exempt de la Parque ;
Et ce qui porte leur marque demeure éternellement (François de Malherbe)
Le Larousse étymologique nous apprend que depuis le XIIIe siècle le mot musée signifie Temple des MUSES. Les âmes des créateurs des temps passés résidants dans les cieux, ont aussi leurs « résidences secondaires », ce sont les musées qui rendent inoxydables les chefs-d’œuvre du temps jadis. Notre héritage, patrimonial et matrimonial, les cadeaux sans prix de nos ancêtres, doivent être conservés à l’abri de toute corruption, de l’oubli, et se sont justement les musées qui les abritent. Tout un chacun qui se veut instruit, intelligent est censé connaître des noms comme PRADO, BRITISH MUSEUM ou HERMITAGE!
La langue française nous propose les verbes amuser et emmuseler, hors le néologisme EMMUSER (v.t.), inventé par votre très humble serviteur, serait non moins bien placé dans la langue de Jean-Baptiste Poquelin. Emmuser, cela veut dire initier son prochain, l‘inviter, lui offrir quelque chose de bon (et de beau !), des temps anciens, pour admirer, savourer, s`étonner. S`étonner, par exemple, que les Gaulois utilisaient dans les travaux champêtres des charrues à roues et des moissonneuses qui ont émerveillé les Romains. Mais l’usage s`en perdra et il faudra attendre le XIXe siècle pour qu`une nouvelle moissonneuse soit (ré-) inventée.
De nos jours les Temples des Muses ne manquent pas de par le monde. On entend parler partout des villes, voire des manoirs, des propriétés – musées. Ma ville de Kolomna n’en est pas exempte. En voici trois, proposés à l’attention de nos gentils lecteurs.
Ce n’est pas de la crème, le Kremlin
Cette forteresse située en amont de Moscou, construite au début du XVIe siècle, n’a jamais été prise malgré de multiples invasions et tentatives d’assauts. Parmi nombre de coins et recoins mémoriaux de ce monument géant, nous avons choisi son petit Palais des Armures. Un chevalier russe du nom parlant de Yaroslav nous accueille à l’entrée.
Et une minute après une astuce du temps ancien : l’escalier est conçu de manière à ne pas donner la possibilité à l’assaillant de frapper de sa main droite, tandis que l’assiégé est bien aisé pour porter un coup à l’adversaire !
Parmi les objets exposés dans ce Musée des Armures il y a même un chevalier des Croisades et un Mongol. Nous pouvons y voir des armes blanches de l’ancienne Russie et de l’Europe. Les plus curieux : une boule (5 kg !) au bout d’un manche, un fléau d’armes qu’on appelle couramment éteignard (gassilo) du verbe éteindre, son homologue français — descendre ou assommer. Aussi une énorme massue, d’un poids de 16 kg, capable d’assommer un croisé avec sa monture.
Tous les objets sont authentiques, on peut les toucher, s’armer avec, essayer et, bien sûr, se faire photographier. Les animateurs et les guides sont de vrais enthousiastes, des passionnés, de nobles accros qui multiplient toutes sortes d’INTERACTIVITÉS pour promouvoir la culture de la Russie ancienne et pas seulement celle du combat.
L’écho des Frères Pathé à Kolomna
Jean Cocteau, célèbre écrivain, poète et dramaturge français, disait : « Chacun de nous a son ressort à l’intérieur. Il faut absolument le remonter, le tendre, tout en évitant de le briser ». C’est là, certainement, que l’idée a vu le jour. La musique sort de l’appareil en bois tandis que le ressort se détend lentement. C’est bizarre, mais le dictionnaire nous donne le terme gramophone ou phonographe pour désigner l’appareil qu’on nomme en Russie de la manière la plus adéquate PATHÉPHONE ! Eh oui, ce sont les Frères Charles, Théophile, Émile et Jacques PATHÉ, qui sont à l’honneur dans le musée de pathéphone à Kolomna.
Son directeur Artïum Kouriuokine nous apprend que pour obtenir les droits d’auteur face au phonographe, le pathéphone a eu recours à deux ruses : le disque plus petit et l’aiguille qui progresse non pas VERS LE CENTRE mais DU CENTRE VERS LE BORD !
Plus d’une centaine d’appareils sont toujours en état d’offrir des sons angéliques à tout venant. Et les touristes amateurs de la musique d’antan ne manquent pas à Kolonma !
La pastille, marmelade de pommes, guimauve et j’en passe…
Ce dessert, la spécialité de Kolomna est unique au monde. L’écrivain russe Ivan Lagetchnikov dans son roman La maison de glace a mentionné « sa compatriote la pastillienne de Kolomna ». Le grand Alexandre Dumas qui a traduit ce roman en français a bien réduit le personnage : « ma compatriote la brave Moscovite ». En comparaison avec les desserts analogues, la pastille de Kolomna serait d’un avis commun de tous les dégustateurs la plus tendre, comme un souffle de l’air du jardin. Bon appétit !