Salut! Ça va?

Au service de la francophonie en Sibérie

2024-11
« Mon sort a été déterminé par hasard lors d'une réunion avec le maire de la ville d'Hyères, qui s'apprêtait à recevoir le maire de Novossibirsk. De retraité tranquille, je me suis transformé en pionnier de la neige et de la glace. J'ai tout mis en œuvre pour développer les relations entre Novossibirsk (c'est-à-dire la Russie) et ma France. J'ai servi la Francophonie, qui a besoin de bénévoles » Jean Moisson

Monsieur Jean Moisson était un homme extraordinaire et légendaire. Ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, il a consacré sa vie au développement de l’amitié et de la coopération entre la France et la Russie. Cet homme a présenté l’action admirable et exceptionnelle en faveur de la francophonie qu’il avait menée, non en théorie, mais dans la réalité des faits, depuis près de deux décennies, « pour, dit-il, servir à quelque chose ».

Comment tout a commencé ? En automne 1992, une délégation française du midi de la France est venue à Novossibirsk, sur l’invitation de la municipalité. On m’a invitée en qualité d’interprète pour accompagner monsieur Moisson. Ayant appris que j’étais professeur, il m’a demandé d’organiser une rencontre avec les étudiants qui apprenaient le français.

Son but était de s’exprimer en un français aussi pur que possible devant des étudiants francophones dont beaucoup n’ont jamais entendu un Français parler la langue française. Il a fait plus de 400 conférences en français à l’Université pédagogique d’État de Novossibirsk, à l’Institut sibérien des échanges internationaux, à l’Institut de recyclage des professeurs, à la cité des savants Akademgorodok, aux universités de Moscou, aux écoles secondaires.

Dans ce domaine de la culture, son activité principale était centrée sur l’Université pédagogique d’État. Jean Moisson a ouvert le concours « Orthographe française » et a apporté les prix du Var. Il a aidé les professeurs russes à la préparation de thèses de Doctorat français. Il a fait venir en France plus de 350 étudiants de l’Université pédagogique d'État de Novossibirsk dans les Centres Internationaux Francophones et les Camps des Lions Clubs. Il a été à l’origine de la collaboration fructueuse entre l’Université Sud-Toulon Var et l’Université pédagogique d’État de Novossibirsk. Il a conduit successivement 8 professeurs de l’Université Sud-Toulon Var à Novossibirsk. Il a participé, d’une manière considérable, à l’accueil des professeurs et des étudiants venus en France. Ce Français infatigable accueillait, installait et s’occupait de beaucoup de personnes…

Jean Moisson a offert, pour la chaire de Français de NGPU, une centaine de livres des meilleurs écrivains français. Un petit auditorium de l’Université pédagogique porte son nom.

Jean Moisson est un praticien effectif de la francophonie, acteur direct et convaincu qui a œuvré avec désintéressement, générosité et un grand amour de la France et de la Russie.

Né en France le 10 octobre 1925, Jean Moisson est décédé, le 2 mars 2009, en Sibérie à Novossibirsk.

Jean Moisson, ambassadeur remarquable de la culture française en Sibérie, était un fin connaisseur de l’histoire et de la culture russes. Ses amis l’appelaient « Jean le Sibérien ». C’était un homme passionné et très intelligent, ouvert et généreux. Cet homme représentait un modèle omniprésent et pour ainsi dire intemporel, comme sont les personnes exceptionnelles. Chacun porte en soi une image forte et personnelle de Jean Moisson, une image très rayonnante.

M. Jean Moisson a pu réaliser le rêve de sa vie. Il a créé le pont d’amitié entre la Côte d’Azur ensoleillée et la Sibérie enneigée.

Jean Moisson, après avoir pris sa retraite, a vécu à Hyères quarante ans. Dans les archives du cimetière local, il a trouvé des informations sur les Russes enterrés là jadis. Parmi eux se trouvait le frère de Lev Tolstoï, Nikolaï. Avec le temps, on a perdu la trace des lieux d’inhumation, mais grâce aux efforts de Jean Moisson, en 2000 il a été instauré dans le cimetière un monument-chapelle avec une inscription : « En mémoire des Russes morts dans le midi de la France ». Il a aussi retrouvé les tombes des soldats russes péris pendant la Première Guerre mondiale. Jean Moisson s’est adressé au maire de sa ville, avec une demande d’aide à la conservation de ces tombeaux. Comme il me l’a confié, il venait au cimetière et accrochait les rubans du tricolore russe sur les croix. Et maintenant, il repose lui-même au cimetière de Novossibirsk. C’est le Destin, on ne peut pas dire autrement. C’est un cas particulier, mais qui confirme la force des relations séculaires entre les Russes et les Français. Si Jean Moisson a trouvé son dernier havre de paix si loin de son pays, c’est sa maladie qui en est l’explication. Mais l’essentiel consiste en ce qu’il aimait la Russie et les Russes, tout en adorant sa belle France. Depuis longtemps, on n’a cessé de lui poser cette banale question : « Qu’est-ce qui vous attire, de votre Côte d’Azur, sur les plaines enneigées ? »

À Novossibirsk le citoyen français a laissé beaucoup d’amis. Grâce à ses activités, des milliers de Français ont découvert la Russie et la Sibérie. Comme il disait lui-même, « d’un retraité paisible, je me suis transformé en pionnier des neiges et des glaces ».

Raïssa Telechova
Enseignante
Novossibirsk
(Russie)

Jeanna Aroutiounova
Présidente de l’AEFR,
Enseignante,
Université Russe de l’amitié des peuples Patrice Lumumba (Moscou, Russie)