Ce devait être en 2012 je crois. J’étais dans une électritchka en direction de Moscou et je lisais un ouvrage d’Hélène Carrère d’Encausse. Mon voisin d’en face, intrigué par la couverture, me demanda ce que je lisais. Je lui dis que c’était un ouvrage sur Staline et j’ajoutai : « je ne comprends pas pourquoi l’on fait tant de cas ici de ce tyran sanguinaire ». Là-dessus une vive discussion s’engage sur les mérites et les crimes du célèbre Géorgien ; une jeune femme russe à côté de moi se mêle à la discussion en soutenant mon bord. L’autre n’était pas content, son grand-père avait travaillé chez Staline, dont il restait un fervent admirateur.
Chacun a ses images, ses préjugés, ses repères. Pendant les deux années où j’ai travaillé au lycée français de Moscou, j’ai eu le temps de visionner quantité de films de guerre patriotiques et de films de l’époque soviétique et ainsi de mieux comprendre l’attachement des personnes à cette vie sociale équilibrée d’avant. J’ai visité les musées, j’ai parlé à des tas de gens et j’ai assisté à la reconstitution d’un épisode de la bataille de Borodino, où je me suis aperçu que Napoléon 1er, bien que détesté comme un ogre terrible, était également vu comme un ennemi honnête. Ce qui m’a le plus frappé c’est l’hymne impérial chanté par les cosaques du Kouban dans la superbe salle de fête de l’ancien palais des congrès du Kremlin construit par Khrouchtchev, et le retour du drapeau de la Russie des tsars. Tout peut changer très vite en Russie m’avait dit un jour Vladimir Fédorovski sur un salon du Livre de la Côte d’Azur…
Je savais bien que la propagande occidentale réduisait l’URSS au Goulag et aux magasins vides ; en effet j’avais aussi enseigné l’économie soviétique qui était au programme des lycées dans les années 80, dans la série économique et sociale. J’en connaissais la logique et les difficultés assez insurmontables, et restai donc surpris de la nostalgie de beaucoup de Russes qui partageaient l’espoir de Gorbatchev de pouvoir réformer le système, mais sur place je compris aussi la fierté de construire un empire se voulant fraternel de même qu’en France nous avions voulu construire en 1789 une société juste, mais en paroles. Une chose les slogans, une autre le vécu. Comme disent les Anglais, la preuve du pudding c’est qu’on le mange. Mais vaincre les préjugés, cela revient à soulever des montagnes : il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome, disait malicieusement Einstein…
En France l’opinion après la guerre savait bien (à 57 %) que le rôle de l’Armée rouge avait été essentiel dans la destruction du nazisme. Les États-Unis et l’Angleterre, pourtant libérateurs du territoire national, ne recueillaient respectivement que 20 % et 12 %. Mais Hollywood est passé par là et aujourd’hui les chiffres sont inversés ! Mes propres élèves ne savaient rien du monde russe : forcément ce dernier n’existait ni au cinéma, ni dans les magazines, ni à la télévision. C’est seulement au théâtre (fréquenté plutôt par les milieux intellectuels) que l’on adorait les pièces de Tchékhov, c’est dans les séries littéraires du lycée ou à la fac que l’on étudiait Dostoïevski ou Tolstoï. Certes, tout le monde connaissait la chanson de Gilbert Bécaud la place Rouge était vide, devant moi marchait Nathalie (1964), ou Katioucha mais surtout grâce au Casatchok (1969) de Rika Zaraï, chanteuse populaire qui avait totalement transformé la chanson pour égayer les nuits parisiennes (c'est l'hiver qui frappe à notre porte. Mes amis, allumons un bon feu) ;et les chants et danses des chœurs de l’Armée rouge faisaient toujours salle comble.
Cependant pour l’essentiel on en restait aux récits de voyage du marquis de Custine de 1839 ! L’inconscient collectif français voyait les Russes comme des barbares joyeux et hospitaliers, mais apathiques et paresseux : balalaïka, chapka, vodka, alors que les Russes de leur côté nourrissaient un complexe d’infériorité devant l’auréole intellectuelle de la France. Alors, comment expliquer la proximité sentimentale de deux peuples qui se sont autant combattus au 19e siècle que réunis durant les deux Guerres mondiales du 20e, notamment avec l’épopée de l’escadrille Normandie-Niemen durant la Seconde. Mais seuls les Russes blancs hélas savent que la victoire française de la Marne en septembre 1914 face aux soldats de l’empereur Guillaume II est due au sacrifice de la Russie impériale, qui a honoré son traité d’assistance mutuelle en attaquant les Empires centraux pour soulager les Français de la pression allemande. Elle l’a payé de la révolution de 1917 ; dans le roman national français où la guerre de 14/18 est fondamentale, l’épisode sera remplacé par l’historiette des taxis de la Marne, et dans la vision soviétique (cf. À travers l’Histoire de l’URSS Éditions Novosti 1976) la 1re Guerre est carrément gommée et donc l’épisode piteux de Brest-Litovsk aussi, au profit de longs développements sur la guerre civile.
C’est le moment de revenir à Hélène C. d’Encausse (née Zourabishvili comme chacun sait). Elle a dit une fois une vérité assez violente que je n’ai jamais oubliée : seules la France et la Russie ont vraiment une intelligentsia ! Effectivement c’est là ce qui les distingue et les unit.
Certes depuis la fin du 19e partout en Europe les idées socialistes montent, soutenant l’espoir d’un monde meilleur pour les couches populaires ; mouvements et partis de gauche se constituent et alimentent le débat critique. Mais l’Allemagne et l’Italie viennent à peine de naître comme nations, alors que la France rayonne depuis Louis XIV par ses arts, ses salons philosophiques et la cour du château de Versailles. Pierre le Grand veut le surpasser et le visitera en 1717 ; il est séduit par les fontaines et les jardins dont il va s’inspirer, et comme l’on dit « il va ouvrir une fenêtre sur l’Europe ». Même Catherine II sera admirative (un temps) des Lumières de l’Europe, invitant scientifiques et philosophes à sa cour (Diderot). L’aristocratie russe parle français et dans ces deux pays on a une soif de parler, de comprendre, de discuter, de confronter ses idées, tandis que dans les pays anglo-saxons c’est la quête de l’argent qui prime et l’intellectuel est dévalorisé.
Après 1945 l’opinion en France est très scindée entre socialistes et gaullistes. L’image de l’URSS est carrément positive : oublié le pacte germano soviétique de 1939 grâce au rôle actif des communistes dans la Résistance. Le socialisme a désormais une patrie, car la réalité du socialisme existant ne sera connue qu’après 1975 ! Les jeunes qui adulaient l’American way of life dans les années 50 se rebellent dans les années 60 ; le marxisme se diffuse et c’est Mai 68. Après Bonjour tristesse de Françoise Sagan (en 1954) et la fureur de vivre avec James Dean (1955), la jeunesse se tourne vers les paradis artificiels de la drogue puis vers une quête forcenée de jouissance qui détruit toutes les valeurs bourgeoises et installe à l’Ouest un individualisme dominant. Devant cette vague monstrueuse dont les jeunes de l’Est ne retiennent que l’esprit libertaire et qui les attire comme des papillons de nuit, l’État, lui-même travaillé par l’esprit de la critique destructive à l’époque Mitterrand, recule et n’ose plus affirmer son autorité. Paradoxalement les mêmes qui critiquaient l’impérialisme américain vont devenir les féroces contempteurs de l’Union soviétique et se rallier au progressisme, puis carrément opérer un virage atlantiste à 180°, soutenant les bombardements de la Serbie en 1999 et l’intervention des forces US en Irak en 2003.
Entretemps les réformes scolaires en France (toutes d’inspiration néomarxiste) ont commencé à casser l’Éducation nationale. Dans les médias se répand la pensée politiquement correcte, qui interdit toute liberté d’expression non conformiste. De même que durant la poussée romantico-bolchevique en Russie les slogans remplaçaient la pensée, de même l’on pourrait dire aussi de notre intelligentsia du tournant des 20e/21e siècles qu’elle est « possédée », comme le disait Dostoïevski à propos des révolutionnaires de son époque. Nos journalistes divisent le monde entre démocraties et tyrannies et nos intellectuels (du moins ceux qui sont admis à parler) ne remettent pas en cause cette analyse, mais la soutiennent au contraire : ils sont sincèrement acquis à l’idée d’une universalité absolue du principe de la démocratie européenne et n’imaginent pas une seule seconde que le contrat social cher à Rousseau pourrait s’exprimer autrement en Russie qu’en France. Enfin le véritable pouvoir s’est glissé entre les mains de l’oligarchie non élue de Bruxelles, mais on n’a pas le droit de le dire. La seule différence avec l’URSS c’est que les non conformistes sont socialement ostracisés ; il n’y a pas d’hôpitaux psychiatriques pour soigner les dissidents !
Lorsque j’étais au lycée de Moscou, mes collègues français comprenaient fort bien tout cela et disaient que j’enfonçais des portes ouvertes : bref il suffit de quitter la France pour s’en rendre compte. C’est-à-dire de sortir de l’emprise idéologique des médias. Hélas à cause d’eux l’image de la Russie en France est toujours celle de l’Union soviétique : pour l’opinion, les journalistes, les politiques, il n’y a pas de différence entre l’URSS totalitaire et la Fédération de Russie alors que renaît aujourd’hui la Russie éternelle (mais je crains qu’en Russie non plus l’on n’ait pas toujours pris conscience de la différence à mon sens abyssale entre la Sainte Russie de Nicolas II et la civilisation soviétique athée). Bref c’est cet amalgame qui explique sans doute le véritable antagonisme entre les nouvelles valeurs wokes (un avatar du marxisme qui nous vient des USA) de la République française, bien mises en avant le 26 juillet 2024 lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, et les valeurs traditionnelles de la religion, de la famille et de la patrie, portées par le président Poutine pour redresser la Russie.
Bien des Français pourtant soupirent en espérant voir surgir enfin un véritable homme d’État capable lui aussi de redresser la France et de la dégager de l’emprise mortelle des politiques bureaucratiques de l’Union européenne. À vrai dire, la France est aujourd’hui sous l’éteignoir, écrasée par les rejetons du bolchevisme qui l’ont réduite en esclavage mental ; cela s’est produit progressivement vers le dernier quart du 20e siècle. Quant à savoir pourquoi cette extraordinaire folie de la russophobie actuelle, qui se développe en France comme en Europe depuis plus de 20 ans, elle est à mettre au compte de l’extraordinaire savoir-faire du soft power américain : des centaines de Fondations, d’Instituts de recherches et de Centres d’analyse à caractère pseudo-universitaire, tous financés par le lobby des vendeurs d’armes, par le Pentagone, le Département d’État et la CIA, sans compter les milliardaires comme Soros, qui travaillent activement à dénigrer la Russie de Poutine, lequel a osé se dresser face à l’impérialisme US. « L’Amérique doit diriger le monde », avait dit Biden dans Foreign Affairs en avril 2020 ; il ne faisait par là que reprendre à sa manière la conviction religieuse des Pilgrim Fathers de 1620 qui pensaient que Dieu appelait les nouvelles colonies de la Nouvelle-Angleterre à régénérer la race humaine.
« Fais ce que tu dois et deviens ce que tu es », disait le baron fou von Ungern-Sternberg, fusillé par les bolcheviks en 1921. Que Dieu protège la Russie et la France éternelles !
Chacun a ses images, ses préjugés, ses repères. Pendant les deux années où j’ai travaillé au lycée français de Moscou, j’ai eu le temps de visionner quantité de films de guerre patriotiques et de films de l’époque soviétique et ainsi de mieux comprendre l’attachement des personnes à cette vie sociale équilibrée d’avant. J’ai visité les musées, j’ai parlé à des tas de gens et j’ai assisté à la reconstitution d’un épisode de la bataille de Borodino, où je me suis aperçu que Napoléon 1er, bien que détesté comme un ogre terrible, était également vu comme un ennemi honnête. Ce qui m’a le plus frappé c’est l’hymne impérial chanté par les cosaques du Kouban dans la superbe salle de fête de l’ancien palais des congrès du Kremlin construit par Khrouchtchev, et le retour du drapeau de la Russie des tsars. Tout peut changer très vite en Russie m’avait dit un jour Vladimir Fédorovski sur un salon du Livre de la Côte d’Azur…
Je savais bien que la propagande occidentale réduisait l’URSS au Goulag et aux magasins vides ; en effet j’avais aussi enseigné l’économie soviétique qui était au programme des lycées dans les années 80, dans la série économique et sociale. J’en connaissais la logique et les difficultés assez insurmontables, et restai donc surpris de la nostalgie de beaucoup de Russes qui partageaient l’espoir de Gorbatchev de pouvoir réformer le système, mais sur place je compris aussi la fierté de construire un empire se voulant fraternel de même qu’en France nous avions voulu construire en 1789 une société juste, mais en paroles. Une chose les slogans, une autre le vécu. Comme disent les Anglais, la preuve du pudding c’est qu’on le mange. Mais vaincre les préjugés, cela revient à soulever des montagnes : il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome, disait malicieusement Einstein…
En France l’opinion après la guerre savait bien (à 57 %) que le rôle de l’Armée rouge avait été essentiel dans la destruction du nazisme. Les États-Unis et l’Angleterre, pourtant libérateurs du territoire national, ne recueillaient respectivement que 20 % et 12 %. Mais Hollywood est passé par là et aujourd’hui les chiffres sont inversés ! Mes propres élèves ne savaient rien du monde russe : forcément ce dernier n’existait ni au cinéma, ni dans les magazines, ni à la télévision. C’est seulement au théâtre (fréquenté plutôt par les milieux intellectuels) que l’on adorait les pièces de Tchékhov, c’est dans les séries littéraires du lycée ou à la fac que l’on étudiait Dostoïevski ou Tolstoï. Certes, tout le monde connaissait la chanson de Gilbert Bécaud la place Rouge était vide, devant moi marchait Nathalie (1964), ou Katioucha mais surtout grâce au Casatchok (1969) de Rika Zaraï, chanteuse populaire qui avait totalement transformé la chanson pour égayer les nuits parisiennes (c'est l'hiver qui frappe à notre porte. Mes amis, allumons un bon feu) ;et les chants et danses des chœurs de l’Armée rouge faisaient toujours salle comble.
Cependant pour l’essentiel on en restait aux récits de voyage du marquis de Custine de 1839 ! L’inconscient collectif français voyait les Russes comme des barbares joyeux et hospitaliers, mais apathiques et paresseux : balalaïka, chapka, vodka, alors que les Russes de leur côté nourrissaient un complexe d’infériorité devant l’auréole intellectuelle de la France. Alors, comment expliquer la proximité sentimentale de deux peuples qui se sont autant combattus au 19e siècle que réunis durant les deux Guerres mondiales du 20e, notamment avec l’épopée de l’escadrille Normandie-Niemen durant la Seconde. Mais seuls les Russes blancs hélas savent que la victoire française de la Marne en septembre 1914 face aux soldats de l’empereur Guillaume II est due au sacrifice de la Russie impériale, qui a honoré son traité d’assistance mutuelle en attaquant les Empires centraux pour soulager les Français de la pression allemande. Elle l’a payé de la révolution de 1917 ; dans le roman national français où la guerre de 14/18 est fondamentale, l’épisode sera remplacé par l’historiette des taxis de la Marne, et dans la vision soviétique (cf. À travers l’Histoire de l’URSS Éditions Novosti 1976) la 1re Guerre est carrément gommée et donc l’épisode piteux de Brest-Litovsk aussi, au profit de longs développements sur la guerre civile.
C’est le moment de revenir à Hélène C. d’Encausse (née Zourabishvili comme chacun sait). Elle a dit une fois une vérité assez violente que je n’ai jamais oubliée : seules la France et la Russie ont vraiment une intelligentsia ! Effectivement c’est là ce qui les distingue et les unit.
Certes depuis la fin du 19e partout en Europe les idées socialistes montent, soutenant l’espoir d’un monde meilleur pour les couches populaires ; mouvements et partis de gauche se constituent et alimentent le débat critique. Mais l’Allemagne et l’Italie viennent à peine de naître comme nations, alors que la France rayonne depuis Louis XIV par ses arts, ses salons philosophiques et la cour du château de Versailles. Pierre le Grand veut le surpasser et le visitera en 1717 ; il est séduit par les fontaines et les jardins dont il va s’inspirer, et comme l’on dit « il va ouvrir une fenêtre sur l’Europe ». Même Catherine II sera admirative (un temps) des Lumières de l’Europe, invitant scientifiques et philosophes à sa cour (Diderot). L’aristocratie russe parle français et dans ces deux pays on a une soif de parler, de comprendre, de discuter, de confronter ses idées, tandis que dans les pays anglo-saxons c’est la quête de l’argent qui prime et l’intellectuel est dévalorisé.
Après 1945 l’opinion en France est très scindée entre socialistes et gaullistes. L’image de l’URSS est carrément positive : oublié le pacte germano soviétique de 1939 grâce au rôle actif des communistes dans la Résistance. Le socialisme a désormais une patrie, car la réalité du socialisme existant ne sera connue qu’après 1975 ! Les jeunes qui adulaient l’American way of life dans les années 50 se rebellent dans les années 60 ; le marxisme se diffuse et c’est Mai 68. Après Bonjour tristesse de Françoise Sagan (en 1954) et la fureur de vivre avec James Dean (1955), la jeunesse se tourne vers les paradis artificiels de la drogue puis vers une quête forcenée de jouissance qui détruit toutes les valeurs bourgeoises et installe à l’Ouest un individualisme dominant. Devant cette vague monstrueuse dont les jeunes de l’Est ne retiennent que l’esprit libertaire et qui les attire comme des papillons de nuit, l’État, lui-même travaillé par l’esprit de la critique destructive à l’époque Mitterrand, recule et n’ose plus affirmer son autorité. Paradoxalement les mêmes qui critiquaient l’impérialisme américain vont devenir les féroces contempteurs de l’Union soviétique et se rallier au progressisme, puis carrément opérer un virage atlantiste à 180°, soutenant les bombardements de la Serbie en 1999 et l’intervention des forces US en Irak en 2003.
Entretemps les réformes scolaires en France (toutes d’inspiration néomarxiste) ont commencé à casser l’Éducation nationale. Dans les médias se répand la pensée politiquement correcte, qui interdit toute liberté d’expression non conformiste. De même que durant la poussée romantico-bolchevique en Russie les slogans remplaçaient la pensée, de même l’on pourrait dire aussi de notre intelligentsia du tournant des 20e/21e siècles qu’elle est « possédée », comme le disait Dostoïevski à propos des révolutionnaires de son époque. Nos journalistes divisent le monde entre démocraties et tyrannies et nos intellectuels (du moins ceux qui sont admis à parler) ne remettent pas en cause cette analyse, mais la soutiennent au contraire : ils sont sincèrement acquis à l’idée d’une universalité absolue du principe de la démocratie européenne et n’imaginent pas une seule seconde que le contrat social cher à Rousseau pourrait s’exprimer autrement en Russie qu’en France. Enfin le véritable pouvoir s’est glissé entre les mains de l’oligarchie non élue de Bruxelles, mais on n’a pas le droit de le dire. La seule différence avec l’URSS c’est que les non conformistes sont socialement ostracisés ; il n’y a pas d’hôpitaux psychiatriques pour soigner les dissidents !
Lorsque j’étais au lycée de Moscou, mes collègues français comprenaient fort bien tout cela et disaient que j’enfonçais des portes ouvertes : bref il suffit de quitter la France pour s’en rendre compte. C’est-à-dire de sortir de l’emprise idéologique des médias. Hélas à cause d’eux l’image de la Russie en France est toujours celle de l’Union soviétique : pour l’opinion, les journalistes, les politiques, il n’y a pas de différence entre l’URSS totalitaire et la Fédération de Russie alors que renaît aujourd’hui la Russie éternelle (mais je crains qu’en Russie non plus l’on n’ait pas toujours pris conscience de la différence à mon sens abyssale entre la Sainte Russie de Nicolas II et la civilisation soviétique athée). Bref c’est cet amalgame qui explique sans doute le véritable antagonisme entre les nouvelles valeurs wokes (un avatar du marxisme qui nous vient des USA) de la République française, bien mises en avant le 26 juillet 2024 lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, et les valeurs traditionnelles de la religion, de la famille et de la patrie, portées par le président Poutine pour redresser la Russie.
Bien des Français pourtant soupirent en espérant voir surgir enfin un véritable homme d’État capable lui aussi de redresser la France et de la dégager de l’emprise mortelle des politiques bureaucratiques de l’Union européenne. À vrai dire, la France est aujourd’hui sous l’éteignoir, écrasée par les rejetons du bolchevisme qui l’ont réduite en esclavage mental ; cela s’est produit progressivement vers le dernier quart du 20e siècle. Quant à savoir pourquoi cette extraordinaire folie de la russophobie actuelle, qui se développe en France comme en Europe depuis plus de 20 ans, elle est à mettre au compte de l’extraordinaire savoir-faire du soft power américain : des centaines de Fondations, d’Instituts de recherches et de Centres d’analyse à caractère pseudo-universitaire, tous financés par le lobby des vendeurs d’armes, par le Pentagone, le Département d’État et la CIA, sans compter les milliardaires comme Soros, qui travaillent activement à dénigrer la Russie de Poutine, lequel a osé se dresser face à l’impérialisme US. « L’Amérique doit diriger le monde », avait dit Biden dans Foreign Affairs en avril 2020 ; il ne faisait par là que reprendre à sa manière la conviction religieuse des Pilgrim Fathers de 1620 qui pensaient que Dieu appelait les nouvelles colonies de la Nouvelle-Angleterre à régénérer la race humaine.
« Fais ce que tu dois et deviens ce que tu es », disait le baron fou von Ungern-Sternberg, fusillé par les bolcheviks en 1921. Que Dieu protège la Russie et la France éternelles !