Salut! Ça va?

Une rencontre à Versailles

2024-12
Olga Kukharenko et moi nous sommes rencontrés dans l’écrin merveilleux de Versailles qui inspira à Pierre Le Grand l’idée de Saint-Pétersbourg. Symbole idéal n’est-ce pas ?

Ce jour d’automne aussi beau qu’un plein été fut un émerveillement pour moi qui suis toujours enchanté de rencontrer des Russes, d’autant qu’Olga est aussi francophile que je suis russophile. Mais sa supériorité sur moi est qu’elle parle et écrit notre langue comme si elle avait toujours vécu en France alors que ma paresse me réduit à quelques mots usuels dans la langue de Pouchkine.

Quelques heures seulement avant son retour pour la Russie ont consolidé notre conviction commune que la politique et les caprices criminels de l’Occident ne peuvent pas couper les ponts entre les êtres humains curieux des différences et des mystères des autres cultures. Pour Olga qui aime tant notre « mythologie » et connaît si bien la France, comme beaucoup de Russes, le mystère n’est pas aussi épais que pour moi à l’égard de cette Russie énigmatique dont je ne sais que peu de choses.

Lorsqu’elle évoque son Extrême-Orient russe – ici nous parlons de « Sibérie » –, ce sont des horizons qui s’ouvrent devant moi et me propulsent dans un voyage que je ferai peut-être un jour. Lorsqu’elle me confie qu’il lui faut une demi-heure à peine pour passer la frontière avec la Chine, par-delà ce fameux fleuve Amour qui chante à nos oreilles, Olga dessine des rêves de voyages et d’aventures.

Nous avons parlé de nos pays si différents avec une pareille passion ; quoique je sois moins indulgent avec la France contemporaine alors qu’elle-même demeure une ambassadrice émouvante de la Russie.

Je pense qu’elle sera d’accord en parlant de notre étonnement commun devant ces différences abyssales entre nos mentalités alors que, physiquement et mentalement, nous sommes issus d’un même substrat « ethnique », caucasien comme diraient les Américains. Après tout, bien que Français depuis des siècles, mes lointains ancêtres dont je porte un nom francisé, venaient vraisemblablement de Scandinavie lors des invasions Vikings au IXème siècle. Ces mêmes Vikings – les Varègues – qui fondèrent Kiev et donnèrent à la vaste Russie ses enfants blonds aux yeux clairs. Ces origines communes, quoique fort lointaines, sont peut-être notre trait d’union.

Quand Olga me parle, je m’émeus de son amour pour la France ; et pareillement pour elle qui se félicite de rencontrer des Français absolument allergiques à la propagande occidentale – puisque la France est devenue une colonie de l’OTAN – où la Russie est désignée comme l’ennemi. En visitant la Cathédrale orthodoxe de la rue Daru à Paris, ce sanctuaire russe au cœur de notre capitale, Olga n’a pu retenir ses larmes. Et je la comprends. C’est là que, depuis plus d’un siècle, bat le cœur des centaines de milliers de Russes exilés en France, notamment après la Révolution d’Octobre rouge. Grâce à eux, et à leurs descendants, notre pays qui aussi le leur, est plus beau encore.

Au cœur de notre conversation, Olga eut cette « réserve » notable au sujet de cette société française qui tolère désormais l’éducation sexuelle perverse à l’endroit des enfants, de cette culture de dégénérés qui tient lieu désormais d’idéologie. Vaste sujet… Comment, mes chers amis russes, vous expliquer en quelques mots que les Français sont un peuple lobotomisé, émasculé, dépressif, nihiliste ; et patriote uniquement lorsqu’il faut célébrer un match de football, c’est-à-dire le vide absolu…

La Sainte Russie, Dieu merci, est l’antithèse de la France contemporaine et de l’Occident en général. C’est aussi pourquoi la Russie est un sanctuaire, la Terre Promise de gens comme moi qui ne se résignent pas à considérer comme normal qu’un homme puisse épouser un autre homme…

Olga, sa modestie en souffrira, est une digne représentante de ce que la Russie incarne pour des millions d’Occidentaux qui sont autant de dissidents. D’ailleurs, à chaque fois que je rencontre des Russes, je suis étonné par cette curiosité et cette ouverture d’esprit, voire cette humilité, qu’on ne rencontre que très rarement chez les Français.

Ne jugez pas, chers lecteurs, trop sévèrement ma critique de mon propre pays. J’en aime bien des aspects mais je ne pardonne pas à l’idéologie et au monde moderne d’avoir transformé mon pays en une colonie de ses colonies, et d’avoir transposé le modèle américain sur notre vieille terre gauloise. Ce que je pardonne le moins aux Français, c’est précisément d’avoir oublié qu’ils étaient français.

En outre, je me suis toujours senti à l’étroit dans ma seule identité, ce qui fait de moi un Français un peu à part. J’ai commencé à voyager très jeune et cette découverte de nouveaux horizons m’a enseigné l’amour de mon pays, mais un amour critique, et le respect des autres cultures. Mais, ainsi que je l’ai confié à Olga, la Russie découverte si tard, est un coup de foudre et, d’une certaine façon, l’achèvement d’une quête d’Absolu pour moi qui ai toujours cherché une sorte de prolongement géographique et culturel à mon identité propre.

Si je parle autant de moi c’est parce que j’ai le sentiment d’être le porte-parole de ces milliers de Français libres qui partagent le même point de vue. La Russie nous fascine comme un astre lointain, une Terra Incognita, un Far-East peuplé, non pas de cowboys mais de Cosaques.

Pardonnez-moi la naïveté d’une telle représentation puisque nous savons, vous et moi, que la Russie est bien autre chose quand la poésie, la tragédie et la modernité s’entremêlent comme nulle part ailleurs dans le monde.

Merci à vous Olga et à vos amis d’entretenir entre nous ce lien franco-russe qui me parait être la plus belle illustration de notre admiration réciproque. Enfin, joyeux anniversaire à votre revue qui fête ses 20 ans !
Christian Rol
Journaliste indépendant, écrivain
Versailles (France)