Contexte historique
L’histoire de l’introduction du français au Maroc est intimement liée à la période du protectorat français, qui s’étend de 1912 à 1956. Le pays était sous l’autorité de la France tout en maintenant le sultanat comme figure symbolique de l’autorité marocaine. Cette période a profondément marqué le paysage linguistique, culturel et social du Maroc, laissant un héritage durable qui se manifeste encore aujourd’hui. Le français a été décrété langue officielle du pays à partir de la signature du traité de Fès le 30 mars 1912. Il devint ainsi la langue de l’administration, de l’éducation et des affaires. La politique linguistique à ce moment-là visait à gérer le pays selon le modèle français pour faciliter sa colonisation. Des écoles françaises ont été créées dans les grandes villes, formant une nouvelle élite marocaine francophone. La francisation du Maroc a eu des impacts controversés sur la société marocaine. D’un côté, elle a favorisé l’émergence d’une élite intellectuelle et économique francophone qui joue encore un rôle majeur dans la société contemporaine. De l’autre, elle a exacerbé les tensions entre les différentes strates de la société marocaine, notamment entre les francophones et ceux restés attachés à la langue arabe et aux traditions locales. Le français a également introduit de nouvelles idées et concepts culturels, influençant les arts, la littérature et la vie quotidienne au Maroc. Cependant, cette influence s’est souvent accompagnée d’une résistance culturelle et d’un désir de préserver l’identité marocaine.
Avec l’indépendance en 1956, le pays a entrepris une vaste réforme de réaffirmation de son identité nationale et culturelle à travers un processus d’arabisation et de marocanisation des administrations et de l’enseignement. Le but était de renforcer la langue arabe comme langue officielle et de réduire la dépendance au français. Cette démarche s’inscrivait dans un contexte de renouveau culturel et politique, visant à consolider l’unité nationale et à valoriser le patrimoine linguistique et culturel marocain. Le processus d’arabisation a touché plusieurs domaines clés de la société marocaine, notamment l’éducation, l’administration et les médias.
L’administration marocaine a été progressivement arabisée. Les documents officiels, les correspondances administratives et les lois ont progressivement été rédigés en arabe. Cette transition a nécessité une formation linguistique intensive pour de nombreux fonctionnaires qui avaient été éduqués en français.
Les médias ont joué un rôle important dans la promotion de l’arabisation. Les journaux, les radios et les chaînes de télévision nationale ont commencé à diffuser principalement en arabe, contribuant à l’augmentation de l’alphabétisation en arabe et à la diffusion de la culture marocaine et arabe.
Au niveau de l’éducation, au lendemain de l’indépendance, le gouvernement marocain a introduit l’arabe comme langue principale d’enseignement dans les écoles primaires et secondaires. Progressivement, les matières enseignées en français ont été remplacées par des cours en arabe. Cependant, l’arabisation des matières scientifiques, entamée dans les années 1980 au primaire et au secondaire, n’a pas été étendue à l’enseignement universitaire, qui est resté principalement en français. L’arabisation des universités a été plus complexe et s’est effectuée plus lentement. Les filières relatives aux sciences, à la médecine et à l’économie, ont maintenu le français comme langue d’enseignement, tandis que les disciplines littéraires et sociales ont été arabisées plus rapidement

Paysage linguistique actuel
Actuellement, le paysage linguistique universitaire se présente comme suit :
• Universités privées émergées : la langue française est utilisée dans tout le campus ;
• Universités bi-plurilingues : des établissements et des facultés monolingues où la langue d’enseignement est soit le français soit l’arabe ;
• Facultés bi-plurilingues : les facultés des langues, des lettres et des arts avec des filières, monolingues, enseignées en français, en arabe ou en anglais ;
• Facultés bilingues : filières bilingues enseignées en français et en arabe : faculté de droit
• Facultés monolingues francophones avec des filières monolingues français uniquement : facultés des sciences, facultés de médecine, facultés d’économie, facultés dentaires, les établissements à accès régulé (ENCG[1], ENSA[2], EST[3]) ;
• Facultés monolingues arabophones : les facultés des sciences humaines et sociales, les facultés des études islamiques.
L’arabisation des enseignements scientifiques et techniques au secondaire, les inégalités d’accès à l’apprentissage des langues liées à l’organisation du système éducatif (articulation privée/public, ville/campagne…), au niveau de vie des familles, etc., mettent les étudiants dès leur arrivée à l’université, notamment dans les filières francophones, en situation de fracture linguistique. Au niveau de l’enseignement public scolaire, le français est passé de la situation de seconde langue à celle de langue étrangère dans la mesure où il est enseigné en tant que langue à apprendre et non en tant que langue d’enseignement des disciplines scientifiques, philosophiques et des sciences humaines aussi bien dans le primaire que dans le secondaire. Dès leur inscription dans les filières francophones, des cohortes d’étudiants se trouvent en situation d’échec, d’abandon et de décrochage, à cause essentiellement du déficit linguistique qu’ils ont en français, langue d’enseignement des disciplines scientifiques et techniques.
Actuellement, le paysage linguistique universitaire se présente comme suit :
• Universités privées émergées : la langue française est utilisée dans tout le campus ;
• Universités bi-plurilingues : des établissements et des facultés monolingues où la langue d’enseignement est soit le français soit l’arabe ;
• Facultés bi-plurilingues : les facultés des langues, des lettres et des arts avec des filières, monolingues, enseignées en français, en arabe ou en anglais ;
• Facultés bilingues : filières bilingues enseignées en français et en arabe : faculté de droit
• Facultés monolingues francophones avec des filières monolingues français uniquement : facultés des sciences, facultés de médecine, facultés d’économie, facultés dentaires, les établissements à accès régulé (ENCG[1], ENSA[2], EST[3]) ;
• Facultés monolingues arabophones : les facultés des sciences humaines et sociales, les facultés des études islamiques.
L’arabisation des enseignements scientifiques et techniques au secondaire, les inégalités d’accès à l’apprentissage des langues liées à l’organisation du système éducatif (articulation privée/public, ville/campagne…), au niveau de vie des familles, etc., mettent les étudiants dès leur arrivée à l’université, notamment dans les filières francophones, en situation de fracture linguistique. Au niveau de l’enseignement public scolaire, le français est passé de la situation de seconde langue à celle de langue étrangère dans la mesure où il est enseigné en tant que langue à apprendre et non en tant que langue d’enseignement des disciplines scientifiques, philosophiques et des sciences humaines aussi bien dans le primaire que dans le secondaire. Dès leur inscription dans les filières francophones, des cohortes d’étudiants se trouvent en situation d’échec, d’abandon et de décrochage, à cause essentiellement du déficit linguistique qu’ils ont en français, langue d’enseignement des disciplines scientifiques et techniques.

L’étape d’audit linguistique menée dans différentes universités auprès des étudiants nouvellement inscrits a permis de dresser un bilan du déficit de compétences langagières à presque tous les niveaux (BAHMAD : 2015) :
• Maîtrise insuffisante du code linguistique : lexique, syntaxe, organisation textuelle, phonie/graphie…
• Problèmes de compréhension de cours magistraux, difficultés à prendre des notes, difficultés à distinguer les informations essentielles des informations secondaires,
• Difficultés à lire, à écrire et à s’exprimer en français de spécialité.
L’immersion universitaire francophone permettrait aux étudiants de développer leurs compétences langagières de manière implicite par la socialisation avec leurs pairs, mais cette socialisation à la langue d’enseignement s’avère difficile dans un contexte universitaire marocain où la majorité des étudiants se trouvent en difficulté linguistique. L’apparition conjointe des besoins des étudiants LANSAD[4] des recommandations de la Charte Nationale de l’Éducation et de la Formation, des orientations du CECRL[5], des préconisations des nouvelles approches en didactique des langues et de la mise en application de la réforme LMD[6] a nécessité l’intégration des modules « langue et communication » dans toutes les filières des établissements à accès ouvert : Facultés des Sciences, Facultés des Lettres et des Sciences Humaines et Facultés des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales. Les objectifs assignés à ces modules sont d’aider les étudiants à suivre les enseignements des filières scientifiques, juridiques et économiques dispensés en français et de les amener au niveau de français requis sur le marché du travail.
Les différentes interventions universitaires tentées pour remédier au déficit linguistique des étudiants restent modestes face à la massification et au manque des enseignants formés à la didactique du français. Trente ans après le processus d’arabisation, la politique éducative au Maroc est remise en question. Le bilan alarmant de l’enseignement public a suscité des réaménagements et des prises de positions idéologiques importantes. La nouvelle réforme préconise l’enseignement du français au début de l’école primaire. Pour surmonter le hiatus linguistique entre les différents cycles du système éducatif marocain, elle recommande l’enseignement en français des matières scientifiques telles que les mathématiques, les sciences naturelles et les sciences physiques.
Bibliographie
BAHMAD, M. (2015). « Acquisition des compétences langagières en français LANSAD dans un contexte plurilingue à l’université marocaine », in Actes du colloque international : Didactique du plurilinguisme, Enseignement-Apprentissage des Langues, pp. 50-68, publication « Attadriss », Rabat. ISBN : 978- 9954-8589-3-6. ISSN : 2458-6773
BOURDIEU, P. (1980). Le Sens pratique, Paris, Les Éditions de Minuit.
GARDNER, R. & LAMBERT, W.E. (1972). Attitudes and Motivation in Second Language Learning. Rowley, MA, Newbury House.
LEANZA, Y. & LAVALLÉE, M. (1996). Identité culturelle, valeurs et migration. International Journal of Psychology.
LINTON, R. 1945, trad. de LYOTARD, R. (1977). The Cultural Background of Personality. Paris : Bordas
MANGIANTE J-M. et PARPETTE C. (2011). Le français sur objectif universitaire, PUG.
MANGIANTE J-M. et PARPETTE C. (2004). Le français sur objectif spécifique : de l’analyse des besoins à l’élaboration d’un cours, Paris, Hachette FLE, coll. F.
[1] École nationale de commerce et de gestion
[2] École nationale des sciences appliquées
[3] École supérieure de technologie
[4] Langues pour spécialistes d’autres disciplines
[5] Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues
[6] Licence, Master et Doctorat
• Maîtrise insuffisante du code linguistique : lexique, syntaxe, organisation textuelle, phonie/graphie…
• Problèmes de compréhension de cours magistraux, difficultés à prendre des notes, difficultés à distinguer les informations essentielles des informations secondaires,
• Difficultés à lire, à écrire et à s’exprimer en français de spécialité.
L’immersion universitaire francophone permettrait aux étudiants de développer leurs compétences langagières de manière implicite par la socialisation avec leurs pairs, mais cette socialisation à la langue d’enseignement s’avère difficile dans un contexte universitaire marocain où la majorité des étudiants se trouvent en difficulté linguistique. L’apparition conjointe des besoins des étudiants LANSAD[4] des recommandations de la Charte Nationale de l’Éducation et de la Formation, des orientations du CECRL[5], des préconisations des nouvelles approches en didactique des langues et de la mise en application de la réforme LMD[6] a nécessité l’intégration des modules « langue et communication » dans toutes les filières des établissements à accès ouvert : Facultés des Sciences, Facultés des Lettres et des Sciences Humaines et Facultés des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales. Les objectifs assignés à ces modules sont d’aider les étudiants à suivre les enseignements des filières scientifiques, juridiques et économiques dispensés en français et de les amener au niveau de français requis sur le marché du travail.
Vers quel avenir ?
Les différentes interventions universitaires tentées pour remédier au déficit linguistique des étudiants restent modestes face à la massification et au manque des enseignants formés à la didactique du français. Trente ans après le processus d’arabisation, la politique éducative au Maroc est remise en question. Le bilan alarmant de l’enseignement public a suscité des réaménagements et des prises de positions idéologiques importantes. La nouvelle réforme préconise l’enseignement du français au début de l’école primaire. Pour surmonter le hiatus linguistique entre les différents cycles du système éducatif marocain, elle recommande l’enseignement en français des matières scientifiques telles que les mathématiques, les sciences naturelles et les sciences physiques.
Bibliographie
BAHMAD, M. (2015). « Acquisition des compétences langagières en français LANSAD dans un contexte plurilingue à l’université marocaine », in Actes du colloque international : Didactique du plurilinguisme, Enseignement-Apprentissage des Langues, pp. 50-68, publication « Attadriss », Rabat. ISBN : 978- 9954-8589-3-6. ISSN : 2458-6773
BOURDIEU, P. (1980). Le Sens pratique, Paris, Les Éditions de Minuit.
GARDNER, R. & LAMBERT, W.E. (1972). Attitudes and Motivation in Second Language Learning. Rowley, MA, Newbury House.
LEANZA, Y. & LAVALLÉE, M. (1996). Identité culturelle, valeurs et migration. International Journal of Psychology.
LINTON, R. 1945, trad. de LYOTARD, R. (1977). The Cultural Background of Personality. Paris : Bordas
MANGIANTE J-M. et PARPETTE C. (2011). Le français sur objectif universitaire, PUG.
MANGIANTE J-M. et PARPETTE C. (2004). Le français sur objectif spécifique : de l’analyse des besoins à l’élaboration d’un cours, Paris, Hachette FLE, coll. F.
[1] École nationale de commerce et de gestion
[2] École nationale des sciences appliquées
[3] École supérieure de technologie
[4] Langues pour spécialistes d’autres disciplines
[5] Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues
[6] Licence, Master et Doctorat