Salut! Ça va?

Promenade musicale à Moscou

2024-04
Au terme d’aout 2023, j’ai finalement pu réaliser le vieux rêve d’aller en Russie. Un spectacle au Bolshoï aurait été idéal, mais la saison n’avait malheureusement pas débuté. Trouver un concert et acheter la place n’était pas facile, une amie m’a donc proposée de s’en occuper et m’a proposé le conservatoire Tchaikovsky situé rue Bolshaya Nikitskaya dont elle m’a vanté l’accoustique exceptionnelle. L’occasion pour moi de m’y rendre à pied en visitant la ville.

Le quartier est très agréable avec des bâtiments luxueux, anciens et plutôt bas. La rue est localisée dans le centre, à l’ouest entre le Kremlin et l’Arbat. J’étais en avance, il faisait chaud, une terrasse m’a tendu les bras, juste en face de la salle Rachmaninov.

L’entrée du conservatoire est masquée par un écran d’arbres placés derrière une statue de Tchaikovsky. Contrairement à ce que peut laisser penser le nom de conservatoire, cette salle est une des plus prestigieuses de Russie et a connu des musiciens comme Tchaikovsky bien sûr, Rachmaninov, Scriabine et des interprètes comme Rostropovitch, Richter… la liste est longue. Elle héberge d’ailleurs tous les quatre ans le concours international Tchaïkovski particulièrement réputé.
De fait, la salle est très belle. J’ai été surpris de voir un orgue magnifique occuper tout le fond de la scène. Il parait qu’il avait été installé par un Français. Plus précisément, il est le dernier construit par Aristide Cavaillé-Coll, le célèbre facteur d’orgues parisien qui a fabriqué sept cents orgues, en France et dans toute l’Europe. La majorité des grandes églises parisiennes ont leur Cavaillé-Coll, le plus célèbre étant le grand orgue de Notre-Dame de Paris récemment remis à neuf après l’incendie. Cet orgue russe est exceptionnel à plusieurs titres. Il est le dernier conçu par le Maitre au sommet de son art, il reste le seul instrument survivant qui n’ait pas été modifié depuis sa création, juste restauré et enfin, il profite de l’acoustique excellente de la salle. En attendant l’installation du public, j’admire cette grande salle très classique et très lumineuse, dans des teintes ocre-jaune et blanche où tous les détails du décor rappellent sa destination musicale. De grands portraits de musiciens décorent le haut des murs. J’en identifie certains, les plus évidents comme Beethoven, Wagner ou Schubert, mais pour les autres, il m’a fallu déchiffrer avec lenteur leurs noms écrits en cyrillique.
Le programme était une surprise. Avant de laisser place à la musique, une femme est venue parler longtemps et bien trop vite pour me laisser une chance de comprendre autre chose que nous allions écouter les 2 concertos pour piano et orchestre de Chopin interprétés par une jeune pianiste, Elena Drozdova (ça, je ne l’ai su qu’après !). Les informations semblaient intéressantes, elle parlait en tout cas avec une grande conviction. Le concert a enfin débuté. Je me suis laissé porter par la magie de la musique et du lieu jusqu’à l’entracte.
A la sortie de la salle, sur le chemin de la buvette, je suis passé devant un magnifique vitrail particulièrement lumineux. Il s’agit de Sainte Cécile de Rome, la patronne des musiciens. Pour la petite histoire, ce grand vitrail a été détruit en 1941 par l’onde de choc d’une bombe. Des débris avaient été conservés et le vitrail a pu être restauré 70 ans plus tard avec l’aide de photos originales.

Les lieux respirent le charme particulier qui s’ancre dans la tradition. Ils sont somptueux dans la simplicité et décorés de bustes, statues, et tableaux des personnes qui ont compté dans la musique.

La reprise a été annoncée, le public a regagné ses places. La présentatrice est revenue introduire la suite puis le premier concerto a commencé. Malgré l’inversion des chiffres, ils ont en réalité été joués dans l’ordre puisque le 2e concerto a été composé un an avant le premier, mais a été publié après.

Les deux heures sont passées très vite, trop peut-être, signe d’une soirée réussie à l'issue de laquelle la pianiste et l’orchestre ont été chaudement ovationnés. Après un rappel, la soliste nous a gratifiés du Nocturne No 20, puis le concert s’est terminé sur d’ultimes applaudissements et nous sommes sortis.

En écrivant cet article, lors de la vérification du nom de la pianiste, j’ai par chance découvert la chaine du conservatoire qui propose de nombreuses rediffusions de qualités. La vidéo de ce concert est disponible ici, vous pourrez ainsi partager ce joli moment, et moi peut être finir par comprendre ce qui a été dit.