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L’humour à la française

2024-04

L’humour et la France, plus qu’une simple blague, une histoire sérieuse

« … Il est impossible à l’ensemble des êtres vivants dans l’absolu d’accepter de surcroît la médiocrité neutre, tempérée de la bourgeoisie. Il reste alors l’humour, cette invention magnifique des hommes qui ont été entravés dans la quête du sublime à laquelle ils étaient voués, qui n’atteignent pas tout à fait la dimension tragique et sont profondément malheureux malgré leurs dons exceptionnels.

Seul l’humour (peut-être l’invention la plus spécifique et la plus géniale de l’humanité) accomplit l’impossible… » (Un extrait du « Loup des steppes » de Hermann Hesse)

Un peu d’histoire pour commencer : que signifie le mot humour ?


Si un Français prétendait que l’humour avait été inventé par la France, on serait tenté de le qualifier de hautain et prétentieux (après tout, ce n’est pas choquant pour un français). Pourtant, il n’aurait pas entièrement tort. En effet, le mot humour vient d’humeur ; la nuance se serait créée grâce au théâtre (Élisabéthain au XVIIe siècle, plus spécifiquement) et amènera par ailleurs d’autres mots caractérisant comme « lubie », « caprice », « fantaisie », « excentricité », « penchant irrationnel », « obsession »…

Quant au mot humeur, il trouve sa source dans l’Antiquité, auprès des médecins comme Hippocrate, notamment. Umor en grec signifiait tempérament, mais pas seulement. Ce terme signifiait également fluide, un double sens peu, voire pas du tout pertinent, à première vue. Ce n’est néanmoins pas un hasard si nous avons précédemment évoqué la médecine. Hippocrate et ses pairs se référaient beaucoup à la théorie des quatre tempéraments lors de leurs consultations. Selon cette théorie, il existe quatre types de tempéraments pouvant expliquer l’état de santé d’une personne ; ces types, vous le savez probablement déjà, se nomment : tempérament colérique, mélancolique, flegmatique et sanguin. Ce dernier est le plus révélateur : sanguin, le sang est donc le fluide corporel associé à ce type. Une personne avec un tempérament sanguin, quoique sociale et enthousiaste en condition d’équilibre émotionnel, deviendra survoltée, superficielle et fatigante en cas de déséquilibre. Déséquilibre que les médecins associaient à un excès de sang. De la même manière, le flegmatique est associé à la lymphe, le colérique à la bile jaune et le mélancolique à la bile noire.

Tout cela a sa pertinence lorsque l’on constate l’application (essentielle pour certains) de l’humour dans le bien-être de chacun, en France particulièrement d’ailleurs, comme dit le proverbe « Une blague par jour rend le cœur moins lourd ». A noter, les statistiques assez ironiques qui placent aujourd’hui les Français comme les plus gros consommateurs d’antidépresseurs en Europe, à l’heure où de plus en plus d’entre-eux se plaignent de la censure et considèrent que l’on peut de moins en moins rire de tout. On peut poser ici une première problématique « La France peut-elle s’épanouir dans un monde où l’humour devient graduellement sensible ? »

A travers les visages de l’humour, les visages de la France


Pour rebondir sur la problématique ci-devant, parlons des stéréotypes, des clichés, des préjugés…etc. Des mots devenus graves de nos jours, tant de nombreux pays, dont la France, condamnent leur utilisation, voire, leur simple évocation, sous prétexte de racisme, sexisme, complotisme et bien d’autres termes en-isme.

Pourtant, si un stéréotype ne représente jamais une vérité absolue, il témoigne d’une part de la réalité. Exemple spirituel : un Chinois a plus de chance d’être bouddhiste que musulman ou chrétien, de par sa culture, son histoire native. Exemple spiritueux : tous les Russes ne boivent pas abondamment de la vodka, mais cette boisson est quand même bien plus populaire en Russie que la tequila, laquelle est très populaire au Mexique, plus que la vodka.

De même, l’humour français, avec les archétypes qu’il exploite, permet de découvrir les différentes facettes de la France, telles que :

- le beauf, l’amateur d’alcool, de tuning, de football et de blagues grossières autant que sexistes,

- le flic, portrait peu flatteur des policiers/gendarmes, incultes, stupides, violents et qui abusent de leur autorité autant que de l’alcool (eux aussi),

- le bon vivant, personnage léger qui s’épanouit dans les plaisirs simples, la nourriture, la boisson (et oui aussi), la musique, les amis, l’amour, etc., dont la France regorge,

- le « vrai/bon » français, autant aimé, admiré, envié que méprisé, détesté, conspué à l’international (et en France également), cet individu grossier, mais élégant, arrogant, mais philosophe, râleur, mais paresseux, machiste, mais romantique ;

- le gentilhomme, personnage fier et beau, parfois chevalier, parfois mousquetaire, parfois simple homme du peuple, dont la devise se résume souvent à « force et honneur » ;

- la racaille de banlieue, le politicien véreux, l’immigré des Balkans, le français d’origine maghrébine, la fille de joie, l’homosexuel du Marais, la ménagère de plus de 35 ans, le bobo parisien, les « journalopes », le facho d’extrême droite, le gauchiste, etc. ;

Bref, celui qui pratique l’humour français étudie la culture française. Parmi les humoristes qui ont souvent illustré la France : les films de Louis de Funès, Pierre Richard ou Gérard Depardieu, la série « Au service de la France », le film OSS 117, les groupes d’humoristes les Inconnus ou les chevaliers du fiel, Jean-Marie Bigard, Blanche Gardin, Frank Dubosc. Mais aussi Jamel Debbouze, Gad Elmaleh, Ramzy Bédia et d’autres qui jouent de leurs origines maghrébines dans leurs sketches (par exemple, dans la série-sitcom « H »).

Les artistes et l’humour


Quand on évoque les visages de la France, on pense notamment aux artistes, véritables ambassadeurs de la langue française pour beaucoup. Car l’humour n’est pas seulement un instrument de bien-être, il a aussi comme bénéfice de développer notre culture (nous l’avons vu précédemment). La culture ainsi que l’intellect vu qu’il demande une certaine gymnastique mentale à quiconque le pratique et l’étudie. De fait, il fonctionne sur un principe de trinité : distanciation (sagesse de discernement), connivence (référentiel culturel) et incongruité (compréhension de l’absurde face à la logique).

En effet, parmi les plus grands humoristes, l’on retrouve des personnes cultivées et fines d’esprit, sachant manier à merveille la langue dite de Molière, justement.

Un des meilleurs exemples, selon-moi, est Raymond Devos, capable de composer des textes entiers de jeux de mots, faisant appel au lexique, à la grammaire, à la syntaxe ou à la phonétique. Pierre Desproges, très populaire également pour ses citations philosophiques tournées au comique « Un jour j’irai vivre en théorie, car, en théorie, tout va bien ».

Alexandre Astier (de la série Kaamelott) ou le professeur Rollin qui proposent un humour plus éducatif.

Mon favori reste néanmoins Georges Brassens, poète troubadour, capable de faire rire tout en nous livrant de subtils messages au travers de ses poèmes, parfois irrévérencieux ou même grossier, en surface.

Humour et révolution, frère et sœur ?


Puisque nous parlons de Brassens, artiste aux tendances anarchistes, la culture française revêt un autre visage très populaire : celui de Marianne, symbole de la République française, car d’abord symbole de la révolution de 1830. De fait, les Français sont souvent associés à des révolutionnaires nés, des protestataires permanents, des révoltés du système. C’est en partie bien vrai, en droits sociaux (retraites, travail, sécurité sociale…), mais également en humour.

De nombreux Français revendiquent le droit à la liberté d’expression comme à celle de pouvoir rire de tout. Les humoristes critiques abondent dans l’histoire de France : Coluche, Pierre Desproges, les guignols de l’info, Groland… Certains humoristes ont même été censurés et condamnés pour leurs blagues jugées « dangereuses et intolérables », comme Dieudonné. D’autres sont menacés et, à l’extrême, tués sur le sol français comme des membres du magazine Charlie Hebdo ; le slogan « Je suis Charlie » est d’ailleurs devenu un nouveau symbole de manifestation qui pourrait rappeler les évènements de mai 68.

Malgré tout, une bonne partie des Français refusent encore et toujours de se soumettre à la censure ou à la peur et continuent leurs œuvres aujourd’hui avec de nouveaux personnages, notamment sur Youtube, comme Papacito et son magazine « La Furia », Greg Tabibian et son émission « Je ne suis pas content », ou encore le « Joueur du grenier », tous victimes de censures récurrentes sur leurs réseaux sociaux.

Au final, l’humour noir n’est-il pas une forme de courage ? Lorsqu’un handicapé (par exemple, Guillaume Bats) plaisante sur son propre état.

Conclusion


En France, l’humour sans limite se veut, pour beaucoup, un droit vital, mais aussi un devoir solidaire.