Cheikh Ibrahima Fall (1858-1930), un célèbre cheikh de la confrérie mouride au Sénégal, est considéré comme un « fou » par ses condisciples dès son acte d’allégeance à Cheikh Amadou Bamba (1853-1927), le fondateur du mouridisme, parce qu’il décide de consacrer toute sa vie à son marabout (guide religieux musulman) en abandonnant les cinq prières quotidiennes et le jeûne du mois de Ramadan. Pourtant, ce personnage « hors norme » est « le ministre des Affaires Économiques » de la confrérie et influence profondément la voie religieuse mouride.
Né en 1855 à Ndiabi Fall, un village du Cayor à deux kilomètres au sud de la ville de Kébémer, Ibra Fall est le fils aîné de Modou Rokhaya Fall, un descendant de l’ancienne famille royale. Comme son père est un petit marabout de la région, Ibra Fall reçoit une éducation coranique à partir de son enfance et est fortement nourri par l’Islam. En 1883, il se rend au daara (école coranique) pour rencontrer Cheikh Amadou Bamba, le fondateur de la confrérie mouride, et devient trois ans plus tard l’un de ses premiers disciples.
Au début de son allégeance à l’école coranique de Cheikh Amadou Bamba, Ibra Fall subit un fort ostracisme de la part des autres élèves. Ils ont en effet du mal à accepter la présence d’un élève qui ne respecte pas les préceptes du Coran, et limite ses activités au travail des champs et à l’entretien de la concession (tâche de surcroît féminine) au lieu de chercher à s’instruire ; certains préfèrent même quitter le daara en signe de protestation. Cependant, Ibra Fall ne se soucie pas des tentatives d’éviction des autres disciples, et rencontre son maître à sa manière. A chaque fois qu’il se présente à Cheikh Amadou Bamba, « il ne s’agissait plus d’évoquer le Nom de Dieu sans passer à l’acte ni de se tenir debout devant le Maître, ni de garder sa coiffure en sa présence, ni de déranger ses précieux moments de retraite et d’incantation, mais de s’agenouiller humblement devant lui, et d’avoir la patience d’attendre qu’il soit disponible, même plusieurs jours si c’était nécessaire ». Progressivement, l’attitude exceptionnelle de cet élève « anormal » envers son maître devient la règle au sein du daara et la norme confrérique de la relation entre marabout et disciple. Ainsi, Ibra Fall provoque une « révolution mentale » dans l’organisation de la confrérie mouride à son arrivée.
Ibra Fall reste trois ans aux côtés de Cheikh Amadou Bamba. Pendant ce temps, il est un disciple exemplaire et montre une obéissance incroyable à son maître. Il travaille dur, souvent seul, dans la brousse, oubliant de boire, de manger et de dormir afin d’effectuer au plus vite son travail. La soumission d’Ibra Fall est telle qu’il n’hésite pas à sacrifier sa vie pour accomplir les ordres de son maître. C’est donc la dévotion à Cheikh Amadou Bamba qui lui permet d’accéder à des étapes mystiques supérieures, par rapport aux autres disciples qui se restreignent à l’instruction dans leur quête de Dieu. En 1886, Cheikh Amadou Bamba « libère » Ibra Fall, lui fait arrêter le travail et le consacrer en tant que cheikh. Ibra Fall devient le deuxième disciple nommé cheikh par Cheikh Amadou Bamba après Adama Gueye. A partir de ce moment, une nouvelle étape s’ouvre dans la vie de Ibra Fall : il devient maître, un maître réputé qui attire de nombreux disciples.
Cheikh Ibra Fall est loué pour être le disciple le plus « efficace ». Il sait à la fois défendre et prêcher la voie de son maître. D’une part, après l’arrestation de Cheikh Amadou Bamba par l’Administration française, Cheikh Ibra Fall devient une figure importante dans le dialogue avec le gouvernement français et les hommes politiques sénégalais au nom de la confrérie mouride, réussissant à libérer son maître. D’autre part, grâce à sa perspicacité commerciale, Cheikh Ibra Fall est l’un des hommes les plus riches au Sénégal. Pourtant, tout en diffusant largement la voie religieuse de son maître à travers le Sénégal, Cheikh Ibra Fall redistribue une grande partie de sa richesse à Cheikh Amadou Bamba et à ses « frères ». De cette raison, les disciples de la confrérie mouride appréhendent la richesse de Cheikh Ibra Fall comme une grâce divine et un moyen de protection et d’autonomie communautaire.
En 1885, Cheikh Amadou Bamba est arrêté par les autorités françaises pour « subversion au Gouvernement » et exilé au Gabon. Après son exil, en fin diplomate, Cheikh Ibra Fall assume la charge de représentant des mourides à Saint-Louis et assure de nombreuses fois le rôle d’intermédiaire entre la confrérie et l’Administration française. De plus, il joue de son influence sur les hommes politiques du Sénégal pour qu’ils interviennent en faveur du retour de son maître. Il finance la campagne électorale du politicien Jacques Carpot, ce qui lui permet d’obtenir un siège sénégalais à la chambre des députés française en 1902. Quelques mois plus tard, Cheikh Amadou Bamba est libéré au Gabon et rentre au Sénégal. Pendant l’exil puis l’assignation à résidence de son cheikh, Cheikh Ibra Fall est un interlocuteur majeur et régulier du gouvernement colonial français et des politiciens sénégalais.
Au début du 20e siècle, il y a une forte demande d’huiles végétales en France métropolitaine et les conditions naturelles et les bases technologiques du Sénégal sont très appropriées pour promouvoir la culture de l’arachide en vue d’en extraire l’huile. Cheikh Ibra Fall, qui dispose d’une main-d’œuvre importante, profite de cette occasion pour développer la production agricole et pousse activement ses adeptes à cultiver des arachides à grande échelle. En retour, les autorités françaises lui accordent de vastes terres et des concessions commerciales. Ainsi, Cheikh Ibra Fall acquiert une fortune considérable. Au lieu de s’approprier cette fortune, il en consacre une grande partie à son maître, ce qui permet à ce dernier de la redistribuer à la masse des disciples de la confrérie mouride. La richesse de Cheikh Ibra Fall offre ainsi l’opportunité au disciple de montrer l’efficacité de son action et sa générosité, orientées en priorité vers Cheikh Amadou Bamba, mais aussi vers toute la confrérie.
En 1916, Cheikh Amadou Bamba est libéré et Cheikh Ibra Fall le rejoint à Diourbel, où il s’installe par la suite jusqu’à sa mort. Profitant de sa position sociale et de sa puissance économique, la coopération mutuellement avantageuse que Cheikh Ibra Fall entretient avec les Français permet d’améliorer les relations entre la confrérie mouride et les autorités coloniales françaises et de donner à la communauté une légitimité au Sénégal. Cheikh Ibra Fall a une telle influence sur la confrérie mouride que les autorités coloniales françaises le considèrent comme « le premier lieutenant d’Amadou Bamba et le second personnage de son ordre ». Au décès de Cheikh Ibra Fall en juin 1930, l’Administration française l’honore comme « un sage, un brave homme, respectueux et dévoué à la cause française ».
Par son abnégation ainsi que par son service et son dévouement à son maître, Cheikh Ibra Fall inaugure un nouveau type de relation entre les marabouts et les disciples au sein de la confrérie mouride. D’abord, Cheikh Amadou Bamba n’est plus un simple maître d’école coranique, mais un homme de Dieu devant être reconnu comme tel. Ensuite, les disciples doivent par exemple s’adresser à leur marabout à genoux, sans le regarder dans les yeux, ce qui symbolise le respect et la soumission. Enfin, les disciples doivent être « utiles » à leur maître, en versant leur sueur pour lui. Pour permettre au marabout de se consacrer entièrement à la méditation et aux questions spirituelles, les disciples doivent prendre en charge les affaires matérielles du daara. En insistant sur la soumission du disciple, sur les vertus d’un travail physique pénible au service du marabout et sur la prééminence de l’éducation par rapport à l’enseignement, Cheikh Ibra Fall réussit à bouleverser les normes dominantes du daara de Cheikh Amadou Bamba.
Dans la mémoire collective des disciples de la confrérie mouride, Cheikh Ibra Fall est « la lumière Fall », celui qui a éclairé Cheikh Amadou Bamba parce qu’il l’a reconnu et fait reconnaître. Dans les chants de ses disciples, en plus de la shahada (premier pilier coranique affirmant l’unicité divine et la mission prophétique de Mahomet), on entend souvent des couplets qui racontent l’histoire de la confrérie et les enseignements de marabouts : « Sans Mame Cheikh Ibra Fall, Bamba serait mort en rentrant [sous-entendu de l’exil], on l’aurait oublié » ; « Sans toi, Bamba serait passé et rentré [chez lui]. » Ces versets soulignent l’importance de la présence de Cheikh Ibra Fall pour Cheikh Amadou Bamba.
En outre, dans la plupart des peintures représentant Cheikh Amadou Bamba et Cheikh Ibra Fall, le premier est dessiné en blanc, tandis que le second est illustré en noir. Ils apparaissent comme figures archétypes, contraires et complémentaires, de la voie religieuse de la confrérie mouride. D’après certains disciples, les deux cheikhs forment mystiquement un seul être, tout en représentant les deux faces unifiées du mouridisme. Cheikh Amadou Bamba incarne le spirituel tandis que Cheikh Ibra Fall symbolise le temporel. Ce dernier permet à Cheikh Amadou Bamba de se consacrer entièrement à la méditation et aux prières en assumant les affaires de la confrérie et des champs. Le maître, en retour, le conduit sur le chemin d’Allah. Pour les disciples mourides, Cheikh Amadou Bamba et Cheikh Ibra Fall sont complémentaires et unifiés, à la fois opposés et interdépendants, les deux étant inséparables.
L’influence de Cheikh Ibra Fall sur la confrérie mouride est telle que l’on peut parfois se demander en quoi il est le fondateur d’une voie spécifique. Il ne s’inscrit pas du tout en rénovateur de la voie mouride mais en promoteur. S’il se distingue, c’est afin d’œuvrer au mieux pour Cheikh Amadou Bamba et non afin de s’en démarquer. Pour cela, de nombreux mourides et observateurs considèrent que la rencontre entre Cheikh Amadou Bamba et Cheikh Ibra Fall « marque la véritable naissance du mouridisme ».
Né en 1855 à Ndiabi Fall, un village du Cayor à deux kilomètres au sud de la ville de Kébémer, Ibra Fall est le fils aîné de Modou Rokhaya Fall, un descendant de l’ancienne famille royale. Comme son père est un petit marabout de la région, Ibra Fall reçoit une éducation coranique à partir de son enfance et est fortement nourri par l’Islam. En 1883, il se rend au daara (école coranique) pour rencontrer Cheikh Amadou Bamba, le fondateur de la confrérie mouride, et devient trois ans plus tard l’un de ses premiers disciples.
Au début de son allégeance à l’école coranique de Cheikh Amadou Bamba, Ibra Fall subit un fort ostracisme de la part des autres élèves. Ils ont en effet du mal à accepter la présence d’un élève qui ne respecte pas les préceptes du Coran, et limite ses activités au travail des champs et à l’entretien de la concession (tâche de surcroît féminine) au lieu de chercher à s’instruire ; certains préfèrent même quitter le daara en signe de protestation. Cependant, Ibra Fall ne se soucie pas des tentatives d’éviction des autres disciples, et rencontre son maître à sa manière. A chaque fois qu’il se présente à Cheikh Amadou Bamba, « il ne s’agissait plus d’évoquer le Nom de Dieu sans passer à l’acte ni de se tenir debout devant le Maître, ni de garder sa coiffure en sa présence, ni de déranger ses précieux moments de retraite et d’incantation, mais de s’agenouiller humblement devant lui, et d’avoir la patience d’attendre qu’il soit disponible, même plusieurs jours si c’était nécessaire ». Progressivement, l’attitude exceptionnelle de cet élève « anormal » envers son maître devient la règle au sein du daara et la norme confrérique de la relation entre marabout et disciple. Ainsi, Ibra Fall provoque une « révolution mentale » dans l’organisation de la confrérie mouride à son arrivée.
Ibra Fall reste trois ans aux côtés de Cheikh Amadou Bamba. Pendant ce temps, il est un disciple exemplaire et montre une obéissance incroyable à son maître. Il travaille dur, souvent seul, dans la brousse, oubliant de boire, de manger et de dormir afin d’effectuer au plus vite son travail. La soumission d’Ibra Fall est telle qu’il n’hésite pas à sacrifier sa vie pour accomplir les ordres de son maître. C’est donc la dévotion à Cheikh Amadou Bamba qui lui permet d’accéder à des étapes mystiques supérieures, par rapport aux autres disciples qui se restreignent à l’instruction dans leur quête de Dieu. En 1886, Cheikh Amadou Bamba « libère » Ibra Fall, lui fait arrêter le travail et le consacrer en tant que cheikh. Ibra Fall devient le deuxième disciple nommé cheikh par Cheikh Amadou Bamba après Adama Gueye. A partir de ce moment, une nouvelle étape s’ouvre dans la vie de Ibra Fall : il devient maître, un maître réputé qui attire de nombreux disciples.
Cheikh Ibra Fall est loué pour être le disciple le plus « efficace ». Il sait à la fois défendre et prêcher la voie de son maître. D’une part, après l’arrestation de Cheikh Amadou Bamba par l’Administration française, Cheikh Ibra Fall devient une figure importante dans le dialogue avec le gouvernement français et les hommes politiques sénégalais au nom de la confrérie mouride, réussissant à libérer son maître. D’autre part, grâce à sa perspicacité commerciale, Cheikh Ibra Fall est l’un des hommes les plus riches au Sénégal. Pourtant, tout en diffusant largement la voie religieuse de son maître à travers le Sénégal, Cheikh Ibra Fall redistribue une grande partie de sa richesse à Cheikh Amadou Bamba et à ses « frères ». De cette raison, les disciples de la confrérie mouride appréhendent la richesse de Cheikh Ibra Fall comme une grâce divine et un moyen de protection et d’autonomie communautaire.
En 1885, Cheikh Amadou Bamba est arrêté par les autorités françaises pour « subversion au Gouvernement » et exilé au Gabon. Après son exil, en fin diplomate, Cheikh Ibra Fall assume la charge de représentant des mourides à Saint-Louis et assure de nombreuses fois le rôle d’intermédiaire entre la confrérie et l’Administration française. De plus, il joue de son influence sur les hommes politiques du Sénégal pour qu’ils interviennent en faveur du retour de son maître. Il finance la campagne électorale du politicien Jacques Carpot, ce qui lui permet d’obtenir un siège sénégalais à la chambre des députés française en 1902. Quelques mois plus tard, Cheikh Amadou Bamba est libéré au Gabon et rentre au Sénégal. Pendant l’exil puis l’assignation à résidence de son cheikh, Cheikh Ibra Fall est un interlocuteur majeur et régulier du gouvernement colonial français et des politiciens sénégalais.
Au début du 20e siècle, il y a une forte demande d’huiles végétales en France métropolitaine et les conditions naturelles et les bases technologiques du Sénégal sont très appropriées pour promouvoir la culture de l’arachide en vue d’en extraire l’huile. Cheikh Ibra Fall, qui dispose d’une main-d’œuvre importante, profite de cette occasion pour développer la production agricole et pousse activement ses adeptes à cultiver des arachides à grande échelle. En retour, les autorités françaises lui accordent de vastes terres et des concessions commerciales. Ainsi, Cheikh Ibra Fall acquiert une fortune considérable. Au lieu de s’approprier cette fortune, il en consacre une grande partie à son maître, ce qui permet à ce dernier de la redistribuer à la masse des disciples de la confrérie mouride. La richesse de Cheikh Ibra Fall offre ainsi l’opportunité au disciple de montrer l’efficacité de son action et sa générosité, orientées en priorité vers Cheikh Amadou Bamba, mais aussi vers toute la confrérie.
En 1916, Cheikh Amadou Bamba est libéré et Cheikh Ibra Fall le rejoint à Diourbel, où il s’installe par la suite jusqu’à sa mort. Profitant de sa position sociale et de sa puissance économique, la coopération mutuellement avantageuse que Cheikh Ibra Fall entretient avec les Français permet d’améliorer les relations entre la confrérie mouride et les autorités coloniales françaises et de donner à la communauté une légitimité au Sénégal. Cheikh Ibra Fall a une telle influence sur la confrérie mouride que les autorités coloniales françaises le considèrent comme « le premier lieutenant d’Amadou Bamba et le second personnage de son ordre ». Au décès de Cheikh Ibra Fall en juin 1930, l’Administration française l’honore comme « un sage, un brave homme, respectueux et dévoué à la cause française ».
Par son abnégation ainsi que par son service et son dévouement à son maître, Cheikh Ibra Fall inaugure un nouveau type de relation entre les marabouts et les disciples au sein de la confrérie mouride. D’abord, Cheikh Amadou Bamba n’est plus un simple maître d’école coranique, mais un homme de Dieu devant être reconnu comme tel. Ensuite, les disciples doivent par exemple s’adresser à leur marabout à genoux, sans le regarder dans les yeux, ce qui symbolise le respect et la soumission. Enfin, les disciples doivent être « utiles » à leur maître, en versant leur sueur pour lui. Pour permettre au marabout de se consacrer entièrement à la méditation et aux questions spirituelles, les disciples doivent prendre en charge les affaires matérielles du daara. En insistant sur la soumission du disciple, sur les vertus d’un travail physique pénible au service du marabout et sur la prééminence de l’éducation par rapport à l’enseignement, Cheikh Ibra Fall réussit à bouleverser les normes dominantes du daara de Cheikh Amadou Bamba.
Dans la mémoire collective des disciples de la confrérie mouride, Cheikh Ibra Fall est « la lumière Fall », celui qui a éclairé Cheikh Amadou Bamba parce qu’il l’a reconnu et fait reconnaître. Dans les chants de ses disciples, en plus de la shahada (premier pilier coranique affirmant l’unicité divine et la mission prophétique de Mahomet), on entend souvent des couplets qui racontent l’histoire de la confrérie et les enseignements de marabouts : « Sans Mame Cheikh Ibra Fall, Bamba serait mort en rentrant [sous-entendu de l’exil], on l’aurait oublié » ; « Sans toi, Bamba serait passé et rentré [chez lui]. » Ces versets soulignent l’importance de la présence de Cheikh Ibra Fall pour Cheikh Amadou Bamba.
En outre, dans la plupart des peintures représentant Cheikh Amadou Bamba et Cheikh Ibra Fall, le premier est dessiné en blanc, tandis que le second est illustré en noir. Ils apparaissent comme figures archétypes, contraires et complémentaires, de la voie religieuse de la confrérie mouride. D’après certains disciples, les deux cheikhs forment mystiquement un seul être, tout en représentant les deux faces unifiées du mouridisme. Cheikh Amadou Bamba incarne le spirituel tandis que Cheikh Ibra Fall symbolise le temporel. Ce dernier permet à Cheikh Amadou Bamba de se consacrer entièrement à la méditation et aux prières en assumant les affaires de la confrérie et des champs. Le maître, en retour, le conduit sur le chemin d’Allah. Pour les disciples mourides, Cheikh Amadou Bamba et Cheikh Ibra Fall sont complémentaires et unifiés, à la fois opposés et interdépendants, les deux étant inséparables.
L’influence de Cheikh Ibra Fall sur la confrérie mouride est telle que l’on peut parfois se demander en quoi il est le fondateur d’une voie spécifique. Il ne s’inscrit pas du tout en rénovateur de la voie mouride mais en promoteur. S’il se distingue, c’est afin d’œuvrer au mieux pour Cheikh Amadou Bamba et non afin de s’en démarquer. Pour cela, de nombreux mourides et observateurs considèrent que la rencontre entre Cheikh Amadou Bamba et Cheikh Ibra Fall « marque la véritable naissance du mouridisme ».