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Mukasonga : une grande femme écrivaine francophone rwandaise

2023-04
Scholastique Mukasonga est l'une des plus importantes écrivaines rwandaises contemporaines qui, en écrivant sans cesse l'histoire douloureuse du massacre rwandais, a fait sortir la littérature rwandaise francophone de son pays et a attiré l'attention de la scène littéraire mondiale. En 2020, cette femme de lettres rwandaise a été pressentie au prix Nobel de littérature. Elle a remporté avec succès le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes en 2021.

Mukasonga a publié plusieurs œuvres narratives à caractère autobiographique telles que Inyenzi ou les Cafards (2004), La Femme aux pieds nus (2008), L’Iguifou (2010). En 2012, son premier roman Notre-Dame du Nil (2012) a suscité un vif intérêt dans le monde francophone et a remporté le prix Ahmadou — Kourouma et le prix Renaudot. À travers un conflit des deux différentes ethnies Hutus et Tutsis dans un lycée de filles, Mukasonga nous a exposé d’une manière approfondie les racines des haines ethniques au Rwanda. Du point de vue de la méthode de création, le roman est considéré comme une œuvre de transition entre la littérature autobiographique et la littérature fictive. Dès lors, Mukasonga a publié une série d’ouvrages tels que Ce que murmurent les collines (2014), Un si beau diplôme (2018). En 2013, elle a obtenu la médaille de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres. En 2019, La Littérature du monde a publié ses œuvres choisies qui a permis aux lecteurs chinois de faire sa connaissance : une femme écrivain qui s'oppose au racisme, à la répulsion des autres et plaide toujours pour le compromis et l'inclusion.

Après plusieurs ouvrages autobiographiques, Mukasonga nous a apporté son premier roman de fiction Notre-Dame du Nil. Dans ce roman, une lycéenne nommée Gloriosa a fait un geste grotesque, elle a cassé le nez de la statue Notre-Dame à la source du Nil, parce que son nez était « droit et celui des Tutsis ». Par la suite, elle a porté ce blasphème a la connaissance de sa camarade de classe, ce qui a finalement conduit à une flambée généralisée du conflit ethnique au lycée. Bien que l'histoire se déroule avant le massacre de 1994 au Rwanda, il n'est pas difficile pour nos lecteurs attentifs de découvrir que le récit reste le génocide odieux, dont la source est étroitement liée à cet évènement horrible.

Dans le lycée Notre-Dame du Nil, la taille et la forme du nez sont devenues la principale préoccupation de toutes les filles. Au cœur de Gloriosa, les Tutsis qui ont été bénis pendant la colonisation des Belges étaient ennemis impitoyables. Cette fille maladive a toujours montré son envie de domination en avilissant, en injuriant et en persécutant les filles Tutsis. Elle a profité d’autorité de son père pour prendre le contrôle de cette école, attiser les flammes partout, chercher tous les moyens pour persécuter les Tutsis. A cause de sa persécution, sa camarade de classe Veronica est morte. Bien sûr, une autre fille nommée Modesta a également été blâmée dans ce roman. Le père de Modesta faisait partie des Hutus et sa mère Tutsis, une identité métissée qui l'a amenée à s’interroger sur le problème ethnique. Ce qui a rendu Modesta inquiète, c’est son père, car il a des traits physiques des Tutsis : une grande taille, un nez court et un front bien large. Ainsi, elle souhaite à la fois s'identifier à son identité à travers l’obéissance absolue à Gloriosa, tout en restant en désaccord avec Virginia, une fille de Tutsis. Malheureusement, sa confusion de position l'a amenée à vendre sa camarade de classe. Face à la persécution des Tutsis par les Hutus, le directeur de l'école et les prêtres n’ont opposé aucune condamnation. C'est dans une telle atmosphère de campus que les Hutus ont déchainé leur violence. À la fin de ce roman, les filles de Hutus ont mené une chasse effrénée contre les filles de Tutsis.

Pour comprendre le roman Notre-Dame du Nil, il faut d'abord comprendre l'histoire de la colonisation du Rwanda. En 1916, les Belges ont repris le Rwanda aux Allemands. Pour contrôler le pays, les Belges ont fait preuve de fantaisie et ont recours à la politique de « diviser pour contrôler ». Ils distinguent les ethnies du Rwanda selon les critères tels que la richesse, la nuance de peau, et la taille du nez, etc. La taille du nez est devenue surtout une des bases les plus importantes, le nez petit et droit était classé comme Tutsis et le nez grand et large comme Hutus. Les Tutsis ont été caractérisés comme nobles, les Hutus comme parias. L'identité ethnique originale a été impitoyablement piétinée. Après l'indépendance de la nation rwandaise, les Tutsis qui représentent environ 10 % de la population sont devenus « maîtres », ces derniers revendiquent alors la vengeance. En 1994, l’avion du président rwandais a été abattu près de la capitale Kigali, ce qui est considéré comme le déclencheur du massacre rwandais. Trois mois plus tard, un million de personnes ont perdu la vie et deux millions de personnes se retrouvent sans abri.

En tant que survivante de l’Holocauste, Mukasonga a ressenti le besoin de documenter et de creuser profondément dans cette histoire. Bien que Mukasonga elle-même ait été épargnée, la douloureuse expérience lui a infligé un traumatisme psychologique indicible. Elle s’est engagée dans la littérature avec ses souvenirs, son passé et ses expériences. Alternant souvenir et imagination, la mémoire coloniale est devenue son imagination littéraire la plus importante. Elle nous a retracé l'histoire de manière fictive, recréant de manière vivante l'esthétique narrative proustienne.

De toute évidence, Notre-Dame du Nil est une réflexion de l’auteur sur sa famille, sur l'héritage spirituel et culturel des générations précédentes. En révélant le traumatisme que les conflits ethniques ont eu sur elle - même et sur les Tutsis, Mukasonga espère recréer une identité culturelle. En 2004, huit ans avant la sortie de ce roman, le complexe de Mukasonga s'est résolu et elle a finalement trouvé du courage pour se lancer dans un voyage de retour. C’est à la suite de ce court séjour au Rwanda qu’elle s’est lancé dans un voyage littéraire. A cette année-là, son œuvre narrative autobiographique Inyenzi ou les Cafards est sortie. Cette création sur le voyage au Rwanda marque l'entrée officielle de Mukasonga dans la scène littéraire. Cette œuvre nous a raconté son exil et celui de sa famille. La poursuite de ses proches décédés et la transmission de leur histoire sont devenues la motivation de sa création littéraire. Elle voulait « tisser » (« texte » signifie en français à la fois « texte » et « tisser ») un « cercueil en papier pour les morts du massacre.

Pour Mukasonga, écrire est son devoir. Le conflit racial, passé par les couteaux tranchants des Hutus, a considérablement ébranlé l’esprit humaniste. En 1994, 37 membres de sa famille ont été tués dans ce massacre. Par des écrits répétés sur le même thème, Mukasonga a non seulement retrouvé une identité qui appartient à l'identité culturelle des exilés, mais aussi a inspiré d'innombrables compatriotes africains.

Mukasonga nous dit qu'elle laisse toujours une place au Rwanda dans toutes ses œuvres. Il est devenu la couleur de base de sa création. Au fond de son cœur, le Rwanda a connu le massacre, mais c'est un pays épris de paix. Cette femme écrivaine était pleine d'attentes pour sa patrie. Dans une interview, elle était fermement convaincue qu’à Kigali, capitale rwandaise, les gens s’identifieraient par le kinyarwanda et non pas par les caractéristiques physiques des Hutus ou des Tutsis. En outre, le nouveau gouvernement a insisté sur le fait que les Rwandais n’ont qu’un seul Rwanda. Son but est de promouvoir la même identité entre les différentes ethnies avec le même État-nation. Les murmures de discorde se sont éteints dans l'harmonie de l'unité nationale et une nouvelle page d’histoire s'est ouverte.

En un mot, Mukasonga est l'une des femmes écrivaines les plus importantes du Rwanda contemporain. Avec son chef-d'œuvre emblématique Notre-Dame du Nil, l’auteur a bien trouvé ses moyens pour nous parler d’histoire coloniale, du génocide rwandais, ainsi que d'identité culturelle déchirée au désert Sub-saharien. En écrivant sans cesse la douloureuse histoire du génocide rwandais, elle a fait sortir la littérature francophone rwandaise d’Afrique et a attiré l'attention du milieu littéraire mondial.