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Portraits des professeurs dans la littérature russe

2023-04
C’est dans l’enfance que nous rencontrons nos professeurs. Ils nous accompagnent jusqu’à la fin de notre scolarité. Ils restent dans nos souvenirs les plus vifs, car toutes les années passées à l’école ont inévitablement formé notre personnalité. Heureux sont ceux qui ont été guidés sur leur chemin de la vie d’adulte par de bons pédagogues…

C'est précisément en raison de l'importance majeure des enseignants dans la vie de chacun de nous que l’image du professeur et de son travail est si populaire dans la littérature russe.

Maxim Gorki écrivait : « Si vous saviez à quel point la Russie a besoin d'un bon enseignant intelligent et instruit. Ici, en Russie, il doit être placé dans des conditions particulières, et cela doit être fait au plus tôt si nous comprenons que sans une éducation généralisée du peuple, l'État s'effondrera comme une maison construite en briques mal cuites. Un enseignant doit être un artiste passionnément amoureux de son travail ... Il doit être le premier à répondre à toutes les questions, afin que chacun puisse puiser en lui de l’énergie digne d'attention et de respect, afin que celui qui porte le titre d'inspecteur d'académie ne puisse pas lui crier dessus, mais qu’il se soucie de la meilleure organisation de l'enseignement, et non seulement de l'application soigneuse des circulaires... ».

Dans ses œuvres, Anton Pavlovitch Tchekhov évoque souvent des professeurs. Il considérait la vocation d'un enseignant comme vraiment importante. Il croyait aux forces spirituelles inépuisables du peuple russe, il comprenait que l'éducation aiderait à l'éveiller et rêvait qu'elle soit accessible à tous. Ainsi Tchekhov a créé de nombreux personnages enseignants, et tous sont présentés avec une grande chaleur. Malgré la vie difficile, ils aiment les enfants, travaillent avec enthousiasme et apprécient les opportunités que leur profession leur offre. Ce sont des personnalités multiples, passionnées ou indifférentes, talentueuses ou médiocres, âgées ou parfois très jeunes.

Gorki se souvient qu'un jour en Crimée, alors qu'il parlait des enseignants, Tchekhov a déclaré : « Si j'avais beaucoup d'argent, j'installerais ici un sanatorium pour les enseignants malades. Vous savez, je construirais un bâtiment léger - très léger, avec de grandes fenêtres et de hauts plafonds. Il y aurait une magnifique bibliothèque, divers instruments de musique, une maison des abeilles, un potager, un verger, je pourrais donner des cours d'agronomie, de météorologie, un professeur doit tout savoir, tout ! »

Le personnage principal de son récit « Dans la pharmacie » (1885) est Egor Alekseevitch Svoykin, un enseignant à domicile. Tchekhov n'en brosse pas le portrait, le laissant sans visage, sans âge. On sait seulement que toute sa vie il a travaillé dans les maisons de riches. Un jour, Svoykin entre dans la pharmacie pour acheter des médicaments.

Il est malade, mais il n'a pas l’argent suffisant pour les acheter. Le pharmacien, reste froid et indifférent et refuse de lui faire crédit d'une partie de la somme. La fin de cette histoire n’est pas claire - Egor Alekseevitch trouve de l'argent à la maison, mais il ne retourne pas à la pharmacie, et s'endort avec cet argent à ses côtés. On ne sait pas s'il est décédé ou s'il s'est rétabli sans médicaments. Le problème de l’insensibilité à l’égard des autres dans une grande ville n'a pas perdu de son importance. Peut-être sera-t-il toujours d'actualité ?

L’image d’un professeur dans la littérature russe évoque immanquablement Lidia Mikhaïlovna, professeur de français dans le récit de Valentin Raspoutine « Cours de français » (1973). Son élève est obligé de venir au centre régional pour suivre ses études, car il n’y a pas d’école dans son village. C’est l’époque d’après-guerre, la vie est dure. Il n'a ni parents ni connaissances dans cette ville et vit dans un appartement, chez une femme qui s’occupe à peine de lui et dont le fils lui vole la maigre nourriture laissée par sa mère. À un des moments les plus difficiles, la jeune professeur tente d'aider le garçon. Elle lui envoie des colis, comme si c’était de la part de sa mère. Mais le garçon les refuse. Souvent affamé, afin de gagner un peu d’argent, le garçon commence à jouer à un jeu de hasard – « tchika ». Son professeur le remarque et veut lui donner de la nourriture, mais il refuse de nouveau. Alors elle décide de lui apprendre un jeu de son enfance, dans lequel il pourrait gagner honnêtement de l'argent. Et, bien sûr, elle « perd » pour que le garçon puisse acheter du lait avec ces gains. Qu’elle est heureuse d'avoir réussi cette supercherie malgré le risque de licenciement et de déshonneur !

Ainsi, dans cet ouvrage, l'auteur montre une enseignante courageuse, prête à risquer sa position sociale et financière pour aider ce garçon et ne pas le laisser vivre dans la faim et la pauvreté. Valentin Raspoutine écrivait : « En lisant des livres, le lecteur n’apprend pas la vie, mais les sentiments. La littérature, à mon avis, est avant tout l'éducation aux sentiments. Et surtout, à la gentillesse, la pureté d’âme, la générosité. Tout comme le récit « Cours de français ».

L'histoire de l'écrivain russe Andrei Platonov « L’institutrice de sable » (1990) est l'une de ses meilleures nouvelles créées dans les années 1920.

Maria Nikiforovna, après avoir suivi quatre cours pédagogiques d'été, a été envoyée dans une région éloignée de la province d'Astrakhan - le village de Koshutovo, proche d'un désert qui l'envahissait. La vie y était difficile, des amoncellements de sable masquaient les rues et atteignaient les rebords des fenêtres, chaque jour, les paysans devaient nettoyer leurs jardins potagers.

La jeune enseignante a commencé à travailler, mais les enfants manquaient souvent les cours parce qu'ils n'avaient pas de vêtements à se mettre, deux d’entre eux sont même morts de faim. Elle a alors décidé de se battre, a recueilli des signatures de paysans et est allée demander de l’aide au département de l'instruction publique.

L'écrivain a montré la grande force morale d'une jeune femme qui n'a pas baissé les bras malgré les difficultés. Maria Nikiforovna a convaincu les paysans de planter une protection végétale autour des jardins pour les protéger du désert. Son action s'est avérée positive, la vie s’est arrangée. Des adultes sont même venus étudier à l'école.

Le livre d’Éduard Burmakin « Une rédaction avec des mots inconnus » (1982) est consacré à l'école soviétique, aux enseignants. Le héros de l'histoire est un jeune professeur de littérature, tout juste affecté après avoir obtenu son diplôme universitaire. « J'ai alors pensé : pour être enseignant, bien sûr, un bon enseignant, il faut constamment vivre dans une haute tension de toutes les forces spirituelles. Il faut tout bousculer, il faut vivre de tout son être, de toute son âme, s’appliquer de toutes ses forces pour faire travailler les élèves, penser, sentir... D'où vient le titre « Une rédaction avec des mots inconnus » ?

L'enseignant a donné un devoir aux élèves avec pour thème : rédiger une composition contenant les mots inconnus trouvés dans l'histoire lue. Le jeune professeur a expérimenté, il est vrai pas toujours avec succès, et pour cette raison n'a pas mis de mauvaises notes. En conséquence, de nombreux élèves ont tout simplement cessé de faire leurs devoirs.

Dans ce récit, l'enseignant cherche et trouve ses propres moyens pour résoudre les difficultés relationnelles avec ses élèves. Toutefois, l'histoire n’est pas un guide pédagogique, mais plutôt un témoignage réel de la vie d'un enseignant à l'époque soviétique.

Le personnage principal du roman d’Albert Likhanov « Bonnes intentions » (1980) est une jeune diplômée de l'Institut pédagogique. Après avoir obtenu son diplôme de professeur de littérature, elle est envoyée dans une école primaire d’une petite ville. Elle travaille dans un internat, et s’occupe de vingt jeunes enfants, orphelins, qui attendent plus amour et affection que des connaissances scolaires. Comment peut-il en être autrement ? Comment ne pas écouter son cœur et ne pas les aider ? Dévouement, sacrifice de soi, amour pour les enfants, amour pour son travail, voilà ce qui caractérise Nadejda. Forte de caractère, elle est honnête dans ses paroles et ses actions. En 1983, l'histoire « Bonnes intentions » a reçu le prix international Maksim Gorki.

« Pechora » est un roman poignant de l'écrivain Youry Azarov (1987). Le livre décrit les destins difficiles des enfants des condamnés et des enfants des gardiens de prison — victimes et bourreaux — qui se sont retrouvés en 1954 dans la région que Soljenitsyne appelait « l'archipel du Goulag ».

Le héros, le professeur Popov, cherche péniblement son propre chemin vers la vérité pendant cette époque très dure et essaye de combattre les vices humains - mensonges, peur, compromis.

Pour Popov, chaque enfant est un individu. Il éveille chez les élèves le désir de réflexion, d’autonomie et de développement d’une pensée critique. « Le plus précieux c’est l'éducation », dit-il aux écoliers, « c’est ce que chaque personne obtient elle-même sans conseils des autres »

Dans l'histoire « Obélisque », Vassily Bykov (1971) raconte le destin tragique d'un enseignant rural ordinaire Ales Ivanovich Moroz. Dans le cœur de ses concitoyens, il restera à jamais un héros, bien que non reconnu officiellement.

L’action se passe pendant la guerre alors que les Allemands s’apprêtaient à exécuter des enfants. Leur professeur, qui aurait pu en réchapper, s’est joint à ses élèves. Il ne pouvait moralement pas trahir leur confiance et les laisser seuls aux dernières heures, aux dernières minutes de leur vie.

Le dernier texte poignant conclut cette présentation. Les portraits littéraires des professeurs russes présentent des visages et des caractères innombrables. On y trouve toutefois les notions récurrentes d’amour des enfants, d’abnégation ainsi que d’une conscience aiguë de l’importance de la mission. Ce petit article est donc un hommage à mes collègues du passé qui ont tracé la voie, à mes collègues du présent qui en sont les dignes héritiers et un message fort pour ceux qui leur succèderont dans le futur.