Quand et pourquoi avez-vous décidé de devenir professeur ?
Je suis devenu professeur par pur hasard. Pour résumer, je suis franco-péruvien. Après la crise économique de 2009 j’ai décidé de m’installer au Pérou en tant qu’administrateur d’entreprise dans le secteur de construction. Mais en aucun cas il ne m’était venu à l’idée d’être professeur de français. Bien qu’on me l’ait déjà proposé, je n’étais pas intéressé. Après plusieurs années, j’ai rencontré une Française qui par pure coïncidence vivait dans un bâtiment à côté du mien et qui donnait des cours de français dans un centre de langues. Comme elle avait une petite fille de 2 ans, elle avait parfois des difficultés à dicter ses cours et m’a demandé de l’aider. C'est ainsi que j’ai découvert le monde de l’enseignement.
Quelles formations avez-vous suivies ?
Comme je l’ai mentionné, je suis administrateur d’entreprise. Je suis diplômé en Administration et Marketing ce qui n’a rien à voir avec l’enseignement du FLE. Mais je suis actuellement des MOOCs et des cours en ligne pour pouvoir m’actualiser.
Qu'est-ce qui vous enchante dans ce métier ?
Tout d’abord, j’ai accepté de remplacer mon amie parce que je sentais que j’avais besoin de renouer avec ma langue maternelle. Depuis mon arrivée au Pérou, j’étais tellement concentré à perfectionner mon espagnol que j’avais complètement laissé de côté le français et au fil des années je sentais qu’il devenait plus difficile pour moi de formuler des phrases en français qu’en espagnol. Et donc, occuper un poste de professeur de français était devenu l’occasion parfaite pour maintenir un contact avec ma langue natale.
Qu'est-ce qui vous semble le plus important dans votre travail avec les étudiants ?
Actuellement je dicte principalement des cours destinés à des groupes, exclusivement à distance. Après la pandémie, nous nous sommes rendu compte que la virtualité avait ouvert de nouvelles possibilités en terme géographique. Auparavant nos élèves étaient des étudiants de l’université ou des personnes habitant près du centre de langue. Mais maintenant nous avons la possibilité d’offrir ce service au niveau national et même international. Nous avons des étudiants qui résident au Canada, en Belgique, en France, qui sont partis de manière précipitée et qui ont besoin d’une bonne base.
Comment arrivez-vous à motiver vos élèves à l'apprentissage du français ?
Il ne faut pas s’en cacher, le français est une langue difficile et capricieuse. Nous essayons donc de proposer des activités ludiques à l’aide des nombreux outils que nous permet la virtualité. Et nous proposons entre autres des ateliers de conversation pour mettre en pratique les connaissances acquises en cours ainsi que d’autres webinaires pour faire découvrir la culture française.
Qu'est-ce qui vous inspire et vous encourage le plus dans votre travail ?
L’enthousiasme des étudiants. Bien sûr il existe toute sorte de profils chez les étudiants. Notre cible est les jeunes adultes de 20 à 35 ans qui ont déjà une idée définie de la raison pour laquelle ils veulent apprendre le français : voyager dans un pays francophone, étudier dans une université francophone, tenter sa chance au Québec, travailler à l’étranger, etc. En tant que professeur, notre mission est de les aider à réaliser leurs rêves et atteindre leurs objectifs. Voilà pourquoi je m’efforce à leur donner le meilleur de moi-même.
Le métier de professeur n’est pas facile. Rencontrez-vous beaucoup de difficultés ?
Bien sûr et plus encore depuis la pandémie. Il faut savoir que le Pérou n’est pas un pays bien développé en termes de technologie. La virtualité a été ressentie comme une douche froide pour beaucoup de professeurs. On a dû apprendre sur le tas et s’adapter à la situation. Cette coupure nette entre le prof et les élèves a démotivé plus d’un enseignant. Enseigner une langue requiert un échange réel pour observer la position de la langue, les mouvements de la bouche et une interaction constante. Mais avec le manque de matériel, les problèmes de connexion, les caméras éteintes, cela n’a vraiment pas été facile tous les jours.
Vous pouvez dire que vous êtes heureux dans votre métier ?
Absolument, et par ailleurs comme je continue à travailler sur d’autres projets en tant qu’administrateur d’entreprise, le temps me manque parfois. Mais pouvoir être un guide pour mes étudiants et leur permettre d’atteindre leurs objectifs est la plus grande des satisfactions pour moi.
Un élève que vous n’oublierez jamais ?
Durant la pandémie, j’ai rencontré beaucoup d’élèves, uniquement à distance. Mais il y a un étudiant en particulier qui a démontré un grand intérêt à apprendre la langue française jusqu’à créer son propre club de conversation avec d’autres étudiants. Cet intérêt pour la langue de Molière avait pris naissance grâce à un écrivain argentin, Julio Cortázar, qui a vécu en France et en Belgique et de ce fait parlait parfaitement le français. Son cousin et lui sont de véritables dévoreurs de littérature postmoderne émergente d’Amérique Latine. Ils étaient donc intrigués par l’obsession des écrivains de cette époque comme Gabriel Garcia Marquez ou encore Mario Vargas Llosa de s’installer en France.
Votre plus grand rêve de professeur ?
Je suis en train de l’accomplir et il est en relation avec cet élève qui a pris l’initiative de créer son club de français. Il m’a fait part de son projet que j’ai immédiatement approuvé. Suite à cela nous avons pu nous rencontrer et sommes actuellement non seulement amis, mais aussi associé avec son cousin et un autre professeur dans une nouvelle académie de français qui se nomme logiquement Le Club Français de Trujillo (LCF). Nous avons fêté récemment notre première année de fonctionnement et nous comptons actuellement d’une équipe de plus de 10 professeurs et approximativement 500 élèves qui font confiance en notre programme d’apprentissage. Avoir ma propre académie et unir mes capacités d’enseignement avec ma carrière d’administrateur représente mon plus grand rêve.