Nous devons ces sources à l’Abbé Jean-François Pinard, qui a collecté des notes des registres paroissiaux de Givet.
Le cercle d’histoire régionale de la Pointe de Givet revient sur notre histoire commune, et l’histoire de ces mariages russes :
« Le 20 novembre 1815, alors qu’à Paris on signait la paix, Charlemont résistait toujours aux Prussiens. Le général Bourcke, gouverneur de la place, se vit intimer l’ordre de déposer les armes et de remettre le fort avant le 7 décembre. Mais ce n’est que le 17 que le général remit Charlemont aux commissaires nommés conjointement par le gouvernement français et le général en chef des troupes alliées, le duc de Wellington : Ces commissaires étaient russes. La place de Givet-Charlemont avait en effet été dévolue aux troupes d’occupation russes, les prussiens devant évacuer Givet, ces derniers, depuis Waterloo, avaient eu le temps de se rendre largement impopulaire, les russes, au contraire, laisseront dans toute la pointe de Givet, et dans les Ardennes, le souvenir d’hommes courtois, à tel point qu’à leur départ, en 1818, la ville de Givet obtint du roi Louis XVIII la permission d’offrir au commandant en chef des troupes d’occupation qui se retiraient, une épée d’honneur.
C’est le 1er janvier 1816 que les troupes russes pénètrent à Givet et à Charlemont. On se souvient du sauna que les russes avaient installé au Fort de Rome, des bains qu’ils prenaient en Meuse. On connait les bornes de distances russes qui portent encore les distances en verstes, l’inventaire de ces bornes est loin d’être terminé, on sait que la chapelle de Walcourt leur fut attribué pour la célébration du culte orthodoxe.
Les registres paroissiaux gardent aussi mémoire de leur long passage dans nos régions ».
Un inventaire est en cours, afin de pouvoir connaitre avec exactitude le nombre de mariages entre les soldats russes et les futures épouses françaises, que sont devenue aujourd’hui le fruit de ces alliances et mariages, des générations de patriotes ont gardé le souvenir de la mère patrie et de leurs ancêtres. D’autres, la plupart, sont reparties après 1818 en Russie.
Le cercle d’histoire régionale de la Pointe de Givet nous signale les mariages suivants :
« Monsieur G. Lorent signalait le mariage d’un lieutenant, Michel Dombrousky, à Fumay en 1817, chaque commune de la pointe de Givet avait reçu son contingent d’occupation, la revue Ardennes Wallonne N02 reproduit encore l’acte d’un baptême de fils d’officier dont la date de naissance (mai 1816) permet de comprendre qu’après les affaires des champs de bataille, les épouses et les familles rejoignaient les hommes en territoire conquis, du moins du côté des officiers.
Les registres paroissiaux de Givet gardent, quant à eux le souvenir de quatre mariages, uniquement d’officiers qui épousèrent des Françaises ; deux étaient givetoises, Marie Dubois et Marie-Thérèse Poulet, la troisième bretonne, Innocente Le Sénéchal de Kercado, l’autre Charlotte Mertens, étant peut-être venue à Givet dans les bagages de l’armée. Le bulletin municipal de Givet (N°3 1970 – P23) n’en signale que trois et ne les situe pas aux mêmes dates ; il s’agit des célébrations civiles : on y retrouve les deux givetoises et une troisième, Eugénie Allard qui épousa un major Carlowitz en juin 1817.
Les quatre mariages célébrés à l’Eglise, le furent tous à Saint-Hilaire
14 février 1816
Registre de St Hilaire
Nous en donnons ici le texte complet : on y lit un certain agacement du curé de n’avoir pu, comme bon lui aurait semblé, faire son enquête canonique, ainsi qu’une certaine ironie dans l’énumération des décorations militaires qu’à la lecture comparée de la note C046 on comprend qu’il ne fut pas astreint de faire. Le mariage civil parait avoir été fait en Russie, la cérémonie orthodoxe, après vérifications des archives, a été célébrée à la chapelle de Walcourt.« l’An 1816, le 14 février, après le contrat civil de Russie, de dispense de disparité de culte et du domicile suffisant 4 donné à Metz 5, le 22 janvier signée Dubois vicaire général de Monseigneur L’évêque de Metz 5, publiée au prône de St Hilaire le vingt-huit janvier dernier, le dispense de deux bans accordée le trois de ce mois par Maître Delvincourt provicaire général des Ardennes de Charleville, nul autre empêchement canonique n’étant point à sa connaissance l’armée alliée de l’empereur de Russie jouissant de tous les droits et privilèges dont la convention des souverains alliés s’est particulièrement réservée et qu’il n’est point en nous de connaitre, ne pouvant point refuser la grâce du sacrement à la suppliante, nous curé de la paroisse soussigné, et d’après la demande des parties (Le rite Grec ayant été parachevé) avons donc donné la bénédiction nuptiale à Mademoiselle Innocente Alexandrine Hyacinthe le Sénéchal de Kercado, née à Vannes en 1785, fille majeure de défunt messire Mario Juan Prudent le Sénéchal de Kerguise comte de Kercado, né à Crossac, décédé le 6 septembre dernier rue de Sourdieu à Paris, N°8 ,2° mairie, et de Marguerite Geneviève Pauline Raynat actuellement avec madame la générale Ivanoff comme dame de compagnie, avec son mari dans cette paroisse, la dite Mlle de Kercado de la religion catholique romaine, avec et à Monsieur Pierre Ougrimoff, né à Moscou en 1779, fils majeur d’Alexandre Ougrimoff et d’Anastasie Basikoff, colonel du régiment Jakutckié, chevalier de Sainte-Anne, Saint-Woldemare, l’épée d’or, du mérite de Prusse, troupes alliées en France, après que les parties avaient renouvelé leur consentement au dit mariage, et en présence de M M le général d’Oudam de la 9ème division, chevalier de l’ordre de Sainte-Anne 1° classe, St-Woldemare de la 2°, St-Georges de la 1° classe, aigle rouge de Prusse de la 2° classe et de l’ordre royale du glaive, et du général de brigade chasseurs Ivanoff, chevalier de l’ordre de St-Georges de la 3° classe, de St-Woldelmare de la 3° classe et de St-Anne de la 2°classe, de l’aigle rouge de Prusse de 2°classe, su colonel baron de Loevenstern commandant supérieur des places de Givet et de Charlemont pour les alliés, chevalier de l’ordre de St-Georges de la 2°classe, de St-Woldemare et de Ste-Anne de la seconde classe, de l’ordre de Prusse pour le mérite et de celui de l’aigle rouge de la 3° classe, de l’ordre du glaive royal de Suède, qui ont signé avec nous aussi bien que les contractants. Signé : Pierre Ougrimoff – Le Sénéchal de Kercado d’Oudam – Iwanow – W Loevenstern – Courtin, curé. »
En 1817, un autre mariage est signalé le 11 avril
Mariage de Teodosi Condratien Tchervinski, commissaire des guerres de la neuvième division d’infanterie russe, fils du sr. Condratien Tchervinski et de Anne Kosievitch, né à Lednitch en Podolie, et de Marie Joséphine Dubois, le premier étant de la religion orthodoxe.
En 1818, deux mariages
Le premier en janvier :« Registre de St-Hilaire – Mariage de Monsieur le Chevalier Diomi Jartzow capitaine au 10ème régiment des chasseurs à pied de sa majesté l’empereur de toutes les Russies, en garnison à Givet, gentilhomme né à Jarinsk et de madame Xeniy Pagovska, de la religion grecque non unie, et de mademoiselle Marie-Thérèse Angélique Poulet, née dans cette paroisse le 25 mars 1799, fille de Mr Joseph Constantin Bénigne Poulet ancien notaire royal et l’adjoint de Monsieur le Maire, actuellement juge d’instruction au tribunal civil de Rocroy et de madame Jeanne Catherine Pommeyrade son épouse. »
Le second, le 17 novembre :
« L’épouse étant protestante, le marié devait être de la religion catholique. A la fin du texte perce l’agacement du curé Courtin de voir se prolonger l’occupation, alors que Loewenstern a quitté Givet, avec son épée d’Or, depuis octobre.
« mariage de Pierre-Auguste de Schlüter lieutenant au premier d’artillerie russe né le 14 novembre (pas d’année) à Rervet gouverneur d’Esthionie en Russie, fils de défunt Frédéric André de Schlüter, ancien lieutenant-colonel des chasseurs à cheval au service de sa majesté, l’Empereur de toutes les Russies, et demoiselle Charlotte Jeanne Mertens, état de la onfession d’Augsbourg…en présence de … Jean Vanokorski, capitaine d’artillerie et Jacques Koretzki, lieutenant d’artillerie, tous au service de sa majesté l’Empereur de toutes les Russiens en garnison encore dans cette ville.. »
D’autres mariages franco-russes à travers les Ardennes, le nord et la Thiérache.
Notre quête ne fait que de commencer. De nombreux actes de mariages et baptême restent à déchiffrer dans les communes, des Ardennes, du Nord et de la Thiérache. 2 La revue Ardennes Wallonne s’est souvent fait l’écho de cette histoire, les historiens Thierry Maquet et le regretté Marcel Carnoy ont signalés au travers de leurs études, les mariages entre soldats, officiers russes et les femmes du pays, et pourtant il reste tant à faire pour connaitre ceux qui sont restés sur cette terre française conquise, la généalogie et les registres paroissiaux permettront de remonter les pistes, en espérant un jour pouvoir mettre sous la lumière, ces hommes et ces femmes qui n’ont certainement pas oublier leurs racines et la patrie de leurs ancêtres.A Fumay, la descendance d’un mariage franco-russe de 1818 vivrait au sein de notre terroir, ceci fera l’objet d’un autre article, n’oublions pas notre histoire commune et n’oublions pas l’amitié franco-russe.
Sources utilisées :
1. Registres paroissiaux de l’Abbé Jean-François Pinard – Notes A 025 – B 020 – B 021 / Givet XIXème / Givet la fin de l’Empire – Notes des registres paroissiaux (3ème partie) (Cf.notes 1 025 et B 020) Les Mariages Russes / Abbé Jean-François Pinard. Cercle d’histoire Régionale de la Pointe de Givet N°29 Ardenne Wallonne 1987.
2. Inventaire des mariages russes et baptêmes provenant des registres paroissiaux de Givet, Fumay, Revin, Rocroi, Aubigny, Maubert-Fontaine, Eteignières, Signy-l’Abbaye, en Thiérache et dans le Nord de la France.
3. Ardenne Wallonne N°9, note B 003.
4. Ardenne Wallonne N°25, note C 046.
5. Carl Adolf von Carlowitz (de) (1771-1837), général de l'armée impériale russe sous le règne d'Alexandre Ier.
6. Ils n’habitaient Givet que depuis 22 jours.
7. Depuis le concordat le département des Ardennes dépendait de l’évêché de Metz. Il le restera jusqu’en 1822.