Le mot russe « ресторан » est dérivé du mot français « restaurant », « restaurer ». C'est-à-dire que c'est un endroit où les affamés peuvent restaurer leurs forces. Ou, comme on disait « se sustenter ». À l'époque de notre jeunesse, et c'est au début des années soixante-dix, on pouvait se sustenter dans tous les restaurants de Blagovechtchensk presque de la même manière. Et comme il n'y avait pas de boîtes de nuit à cette époque-là, les jeunes se rendaient dans ces établissements pour faire connaissance et danser, après avoir bu et dîné. Et si vous préférez juste danser et faire connaissance avec quelqu’un, alors allez au parc, aux danses.
Mais les restaurants étaient plus appréciés. Ce n'était pas très simple de passer dans un restaurant : l'étiquette est particulière. Par contre, on appelait le restaurant soviétique brièvement et simplement – un kabak (une taverne). « Allons au kabak ! » Mais tout le monde ne pouvait pas se décider à aller au kabak, comme ça, tout simplement. Par exemple, pour mes parents, les préparatifs du visite au restaurant commençaient presque un mois à l'avance. Au début il y avait des discussions : pourquoi ne pas aller au restaurant pour faire une fête, pour déjeuner ou - oh-oh-oh ! - dîner ? Quoi mettre ? Avec qui aller ? Et comment s'y comporter ? Il y a des gens qui observent... Et demain toute la ville saura que cette famille a osé dîner dans un restaurant. Oui, et en famille cet événement important sera discuté longtemps, avec émotion et avec plaisir !
Certes, il y avait aussi des habitués des restaurants : des gens qui avaient de l'argent et qui savait comment s’y comporter. On les observait de loin, on les enviait et on était émerveillé de leur mode de vie.
Au début des années 70, il y avait peu de restaurants à Blagovechtchensk. Et ils étaient très différents les uns des autres.
Le restaurant « Amour » au centre-ville. Un hôtel. Rue Lénine, le bâtiment en face du gastronome numéro un. Un restaurant pour les gens riches et ambitieux qui se prétendent d’être de la haute culture. Des tables rondes avec des nappes blanches chics jusqu'au sol, des rideaux en peluche bordeaux, de la vaisselle chère, de lourds couverts en cupronickel. Il y a des tapis entre les tables. On changeait les nappes après chaque visiteur. Sur la table il y avait des serviettes amidonnées et un grand nombre d'assiettes différentes, fourchettes, couteaux, cuillères effrayait et mettait en stupeur un visiteur inexpérimenté.
Pelmeni « Amur » servis dans des pots en argile, côtelettes de Kiev avec une serviette ajourée sur l'os, légumes découpés aux motifs ajourés, salades décorées de feuilles vertes de persil ou d'aneth, coupes de viande ou de poisson, caviar - tout cela était servi magnifiquement et soigneusement. L'orchestre jouait de la musique calme, principalement du tango dansé. Les cavaliers invitaient les dames. Les dames attendaient patiemment les invitations. Parfois, une « danse blanche » était annoncée, et les dames, à petits pas, se précipitaient vers leurs cavaliers, regardaient de loin, en dépassant leurs concurrentes. Tout était « chic et noble », comme au bon vieux temps.
Le restaurant « Yubileyny ». Un endroit merveilleux sur le quai de l’Amour. A « Yubileyny », tout était « plus moderne » et plus simple. Un hall spacieux avec de hauts plafonds, d'immenses fenêtres vitrées et du tulle blanc donnait au restaurant une ambiance de liberté et de légèreté. Et le public ici était plus jeune et guilleret. Des tables carrées pour quatre personnes, et si nécessaire, vous pouvez déplacer quelques tables pour les juxtaposer et installer une compagnie plus nombreuse. On servait du poulet tabaka. C’étaient des poulets maigres, trop frits, mais incroyablement délicieux ! Une salade « stolichny » avec de la pomme de terre, de la viande et des concombre marinés assaisonnée avec de la mayonnaise épaisse et décorée d'un quart d'œuf cuit. Il y avait toujours un « compliment de l’établissement » sur la table : un présentoir avec une salière, une poivrière, de la moutarde épaisse dans un pot à moutarde avec une petite spatule en bois, ainsi que du vinaigre et de l'huile de tournesol. On ne changeait pas les nappes après chaque visiteur s'il n'y avait pas de taches, mais on les tournait simplement sur l'autre côté. Personne n’en était mécontent, personne ne s'en indignait. La serveuse pouvait demander au client de tenir le «compliment» avec des assaisonnements pendant qu'elle balayait les miettes de la nappe sur le sol avec une brosse, ou simplement l'enlever et l'étaler à l'envers. Et il n'y avait rien d’anormal à cela.
Il y avait de la musique à la mode, rapide, joyeuse. On dansait du twist, du cheik, du hali-gali, et, bien sûr, du tango, un « slow » à serrer le cœur, déchirant l'âme et appelant à des exploits. L'orchestre de « Yubileiny » était célèbre pour sa capacité à provoquer le public, à l’exciter en jouant la musique de danse la plus en vogue. Le programme comprenait également une « danse blanche ». Il y avait parfois des bagarres entre les dames quand elles se querellaient à cause des messieurs. De temps en temps, les messieurs se rivalisaient pour les dames. Ils agissaient plus correctement en se disputant dehors. « Sortons! » - disait de l'instigateur.
A la mi- mois, il y avait plein de femmes dans les restaurants : les officiers des garnisons locales touchaient leur salaire. De beaux gars en nouvelles uniformes occupaient les tables en grands groupes, et les filles « attaquaient » ces jeunes officiers qui arrivaient au lieu d'affectation. « La chasse » commençait. C'était très intéressant à observer des « spectacles » passionnants joués ces jours-là, y compris des drames et des comédies.
« Vostok ». Au coin des rues Pionerskaya et Amurskaya. Au rez-de-chaussée il y a une cantine, au premier étage il y a un restaurant. Le menu est assez simple, le public est hétéroclite. Les habitués qui n’ont pas pu trouver une table libre à « Yubileika » ou à « Amour » se rendaient à « Vostok ». Il était célèbre pour les filles de petite vertu, et ainsi il attirait les hommes. Mes copines et moi, nous n'y sommes allées qu'une seule fois. J'ai dû m'enfuir par la cuisine - la serveuse m’a aidé à me cacher des prétendants obsessionnels.
« Berezka ». Ouvert plus tard que tous les autres restaurants. Ce restaurant avait l’ambiance jeune, élégante, moderne, une sorte de piste de danse, pas très confortable, pas très demandé. Au moins c'est ce que je ressentais à cette époque-là.
Et je veux aussi parler du restaurant de la gare. On y allait pour manger savoureux, délicieux, pas très cher. Les citadins adoraient cet endroit calme et propre avec un joli intérieur dans le quartier le plus animé de la ville.
Et à DOSA (Palais des officiers de l’Armée soviétique), le restaurant était réputé pour sa cuisine et son confort. C'était cher, vraiment. Il était destiné aux officiers de l'armée soviétique, mais surtout aux femmes, je le dirais sans cacher…
Où encore les jeunes pouvaient-ils aller ? Aux danses: en été - dans le parc, en hiver - dans des clubs. Mais surtout on allait au cinéma et on faisait des fêtes à la maison. Un lieu des rendez-vous populaire était près du cinéma « Oktyabr » - le soi-disant « Pyatak », à travers lequel toute la ville passait. Le centre de la ville, l’endroit le plus fréquenté ...
Blagovechtchensk à la fin des années soixante – au début des années soixante-dix ... Souvenirs chaleureux sur cette ville propre et confortable, fermée pour les étrangers et les touristes soviétiques. Une ile de bonheur et de paix. On rentraient pieds nus des danses le long de la rue Lénine depuis le parc de la ville, des voitures et des bus rares klaxonnaient bruyamment, circulant devant nous, jeunes et gais. Et aucun souci.