Salut! Ça va?

Faire rêver les gens. 100e anniversaire d'Anne Golon

2021-12

Il y a vingt ans, au tout début du nouveau millénaire, étant très jeune, je lisais avec enthousiasme le roman légendaire de la belle Angélique aux cheveux d’or. Mon dévouement à l’histoire préférée depuis l’enfance de la comtesse de Peyrac a une fois complètement changé ma vie. En conséquence, cela a finalement déterminé mon destin d’artiste en France. Aurais-je pu prévoir alors qu'en 2013, je commencerais ma vie à l'étranger à zéro, et que 4 ans plus tard, en 2017, lors d'une exposition à Cannes, le portrait avec la Marquise des Anges m'apporterait le succès et la première reconnaissance du jury. Déjà à Versailles, le destin me permettra de rencontrer la fille de l’auteure de la célèbre saga Anne Golon, Nadine Goloubinoff ! En retenant mon souffle, j'apprends de première main les faits étonnants de la vie de l'écrivaine. Ayant reçu une opportunité inestimable de toucher le monde d’Angélique dans la source originale, je constate avec une agréable surprise que nous avons beaucoup en commun : l’un des contes de fées préférés d'Anne Golon était le conte de la Belle et la Bête.

          Cette année a été spéciale pour la famille de la grande écrivaine française, qui a conquis le monde au milieu du XXe siècle avec une série de romans historiques sur l'aristocrate et aventurière Angélique de Sancé de Monteloup. Dans les années cinquante lointaines, ce livre, où le personnage principal, une femme entreprenante et à l’esprit libre, trouvait indépendamment les moyens de surmonter les difficultés de la vie, subissant parfois de terribles épreuves, fut une véritable percée pour son époque. Aujourd’hui c’est compliqué d’imaginer, que même en France libérale, les droits des femmes étaient peu différents des droits des enfants. Anne Golon aurait eu 100 ans le 17 décembre 2021, elle a quitté ce monde en 2017 à Versailles à l'âge de 95 ans.
          Mon propre exemple de combat pour le droit d'être moi-même confirme à quel point il est important de faire rêver les gens, de les faire voyager à travers des mondes imaginaires à travers la littérature et l'art. Pendant la journée je m'adaptais dans un nouveau pays, et la nuit je rêvais à l'idée de créer des portraits de mes personnages préférés. Bien des années plus tard, ayant trouvé ma nouvelle maison au bout du monde, je peignis leurs portraits, inspirée par des images cinématographiques de Michèle Mercier et Robert Hossein.

Mon premier tableau a été peint alors que j'avais moi-même besoin de soutien et de foi en ma capacité de réaliser mes vœux les plus chers, de devenir écrivaine et illustratrice, créant des livres de A à Z. Puis soudain je reçois une invitation à les exposer lors d'un événement au Casino Palm Beach à Cannes lors du 70 ème festival du film en 2017, et après un succès fracassant lors du vernissage je reçois le Prix du Jury pour ma peinture avec la Marquise des Anges ! L’histoire d'Angélique est devenue une source d'inspiration pour moi, m'a remplie d'énergie vitale, et les incroyables aventures, chutes et hauts d'Angélique ont confirmé que rien n'est impossible.
La deuxième peinture a été créée en parallèle d'un travail intensif sur le projet culturel « Princesse et la Bête : Le miroir de la Vérité », et j'ai senti que j'avais besoin de plus en plus de personnages réels de la vie qui pourraient « ancrer » l'image éphémère d’Angélique, apportant le rapprochement des réalités contemporaines. C’est ainsi que j’ai créé un monde de conte de fées, basé sur l’histoire de la vie d'une femme exceptionnelle, la princesse Bagration Karina, scientifique et défenseuse des droits de l'homme, qui à son image et à sa nature multiforme me rappelait beaucoup Angélique. Lorsque je travaillais sur le triptyque dédié à l’univers d’Angélique, Karina m'a envoyé des photos de Robert Hossein, avec qui elle a eu l'occasion de discuter pendant le Festival de Cannes. Plus tard, elle a, comme moi, rencontré Nadine Goloubinoff par les réseaux sociaux. Ma troisième toile récente a été créée à la suite d’échange avec Nadine et avec son soutien amical. Ici, je me suis déjà inspirée des images de plusieurs femmes, en conséquence, le résultat est une sorte de symbiose d’une noble russe et d’une aristocrate française de l’époque de Louis XIV, une femme qui a réussi à surmonter toutes les difficultés, à garder son amour, à devenir plus forte que le destin et finalement à gagner.

Nadine Goloubinoff que j’ai rencontrée à Versailles au (futur) musée d’Angélique, m'a montré les lieux uniques où Anne Golon a eu l'idée de créer un roman sur la Marquise des Anges. Dans son interview, elle a partagé l'histoire de la vie de ses parents, son père Vsevolod Goloubinoff a été un émigré russe (à la révolution) pour qui, comme pour moi, la France est devenue la deuxième patrie, et des faits inconnus sur la création du roman. Scénariste, compositrice, Nadine Goloubinoff a travaillé avec sa célèbre mère depuis ces dernières trente années notamment dans son combat judicaire pour récupérer ses droits d'auteur sur l’œuvre Angélique. Actuellement, elle est agent littéraire, gérante de la société « Angélique Company » qui, avec ses frères et sœurs, gère la préservation et l’exploitation de l’œuvre Angélique d’Anne Golon et toutes les œuvres littéraires ou picturales d’Anne Golon et de Serge Golon.
  

Univers d’Angélique


Nadine, parlez-nous de l’Univers d'Angélique, créé par la romancière célèbre française Anne Golon. Combien de romans ont été écrits au total?
De 1942 à 1946, ma mère a écrit 6 livres, dont 4 publiés (sous le nom de Joëlle Danterne)
Au Pays de derrière mes yeux, Le Caillou d’Or, Master Kouki, La Patrouille des Saints Innocents
2 scénarii pour le cinéma, Nouvelles et articles.
De 1948 à 1952 : 3 livres sur l’Afrique dont 1 publié : Alerte au Tchad (Joëlle Danterne), et 4 avec mon père -sur les mémoires de celui-ci-, dont 2 publiés : Les Géants du Lac, Le cœur des Bêtes 1, Scénarri de bandes-dessinées historiques « Destins hors-série ».
De 1960 à 1991 (en plus des Angélique) : 2 livres, dont 1 (sur une affaire d’erreur judiciaire célèbre des années 60) publié : Ma Vérité (sous le nom de Linda Baud), Livres Angélique : 13 en version d’origine, 20 en version complétée, réflexions, articles, mémoires, scénarii… 

Y a-t-il des manuscrits inachevés ?
Le dernier tome de l’histoire d’Angélique.
 
Est-il vrai qu'en créant les personnages d'Angélique et de Joffrey de Peyrac Anne Golon s'est inspirée par sa propre histoire d'amour et de vie avec Vsevolod Golubinoff, votre père ?
Oui, car elle s’est aussi inspirée de sa vie, de leur vie de couple et de parents, et des personnes rencontrées et situations vécues. Elle a pu témoigner de la réalité de l’amour par la rencontre d’un homme extraordinaire.
Ma mère disait souvent qu’elle n’aurait pu écrire l’amour d’Angélique et Joffrey de Peyrac, si elle n’avait pas rencontré notre père.
« Toutes les expériences servent dans mon métier. Toutes, de tous les âges m'ont servie pour Angélique. On est forcé de mettre de sa vie, sinon, on resterait à distance, ce ne serait pas pareil... mais je ne veux pas dire non plus que c'est ma vie. », disait-elle.

Parlez-nous de parcours de l'écrivain Anne Golon.
Ma mère a écrit depuis l’âge de 7 ans, nouvelles, romans d’aventure, romans historiques. Son imagination était prodigieuse dès sa petite enfance. Étant souvent malade, elle a beaucoup vécu dans son imagination.
Son premier livre « Au Pays de Derrière mes yeux », mémoires de son enfance, est paru en 1942 sous son premier pseudonyme : Joëlle Danterne. Ses prochains livres, romans d’aventure et de voyage, ont connu le succès, dont Master Kouki, qui fut un bestseller chez les jeunes. Elle écrit articles, nouvelles, scenarii, fonde un magazine. Lauréate en 1947 d’un grand prix littéraire (du roman d’aventure) pour « La Patrouille des Sains Innocents », elle part en Afrique en reporter free-lance.
De 1948 à 1952 elle écrit quelques livres sur l’Afrique, dont « Alerte au Tchad », publié en 1952 ; et co-écrit avec mon père des articles et souvenirs de celui-ci, publiés sous le nom de Serge Golon et d’Anne et Serge Golon.
Elle commence ensuite le premier livre d’Angélique, aidée de mon père pour la documentation.
Nous avons toujours connu notre mère en train d’écrire. Et quand dans ses derniers jours elle ne l’a plus pu, physiquement, elle continuait son travail dans sa tête, en imaginant des passages de la suite d’Angélique.
En plus d’être un écrivain extraordinaire, elle était aussi une conteuse et a enchanté notre enfance des histoires qu’elle nous inventait au fur et à mesure.
Anne Golon n’était pas un auteur retiré du monde, mais une femme dans la vie, et une lectrice aussi. « … je ne pense qu'aux lecteurs quand j'écris. C'est eux qui sont importants. Mais le talent ne s'apprend pas. C'est un don. Il faut remercier le Ciel, un point c'est tout.
 
Comment est née l'idée de créer l'un des romans les plus réussis, qui ne laisse toujours pas indifférent un nombre impressionnant de lecteurs à travers le monde ?
Anne Golon voulait depuis quelques temps écrire un grand roman historique - elle était depuis toujours passionnée par l’Histoire, où elle pourrait exprimer ce qu’elle sentait nécessaire d’aborder pour le public, comme pour elle-même. « Un roman qui n'a peur de rien ! »
« Je recherchais un personnage pour comprendre ce dont on souffrait : le manque de sentiment, que l'on avait en ce temps-là, peut-être parce qu'on était au lendemain de la guerre. (…) Il y avait quelque chose à faire en partant de la vie. Puis c‘est venu peu à peu et tout à coup un jour je me suis dit : « Ça y est, il faut écrire ce livre ! »
Le choix du XVII siècle vint de ce qu’il était à l’époque (en 1952) complètement oublié, sinon pour l’évoquer en mal –héritage intellectuel de la révolution française qui maintenait tous les rois de France dans les poubelles de l’Histoire. C’est ce qui l’intéressa, d’explorer un monde inconnu et de le faire revivre. Et de la proximité du château de Versailles,
Anne Golon voulait écrire la vie d’une femme normale, loin des représentations féminines- victimes ou garces antipathiques- dont était jusqu’alors encombrée la littérature; et, par elle, parler des épreuves communes à toutes les femmes depuis des millénaires, mais aussi des bonheurs terrestres tout aussi occultés.
« … elle m’est apparue en ces premières heures où la plume à la main devant la fameuse « page blanche », quand j’eus à choisir les premiers mots, les premières phrases d’un roman historique. Elle vint sans rien me demander, sans même me regarder, ni me voir. Elle était vive ; légère et inconsciente comme une enfant de sa beauté et de sa grâce. Ce qui l’intéressait, c’était la vie... Pour un bouquet de grosses fleurs jaunes cueillies aux berges humides, elle reçut son prénom Angélique »
Ma mère n'avait pas de doute quant à l'accueil du public, mais eut la prescience que, pour ce livre-là, les lecteurs seraient « innombrables ».
Le château était proche, et aussi la bibliothèque de Versailles, riche de documents historiques. C’est là que mes parents commencèrent les recherches de documentation pour ce premier livre d’Angélique. Mon père, qui alors n’avait plus d’emploi comme ingénieur géologue, trouva intéressant de l’aider dans ses recherches historiques. Il le fit également plus tard pour le début de la série américaine. Serge Golon devint peintre en 1960.

Quel est le message principal de l’ouvrage sur Angélique?
Son thème principal sans qu’elle en prît conscience au départ, fut de dénoncer l’ostracisme, le fanatisme, l’obscurantisme ; de ne pas laisser gagner ceux qu’elle nommait « les destructeurs du bonheur sur terre ».
« Vous me faites grief du sang répandu par mes ordres. Mais celui répandu au nom de Dieu est-il moins rouge, moins criminel ? » (Angélique se Révolte) Et témoigner de l’existence de l’amour, de la force divine. Donner l’espoir qu’on peut s’en sortir (des maladies, guerres, oppressions diverses…) ; ne jamais renoncer à son âme ; vivre sa vie et l’amour sans se rendre aux diktats sociétaux et religieux (sauf évidemment si l’on risque la mort…) C’est sa liberté intérieure.
  
Comment voyez-vous l'image de l'héroïne du lointain XVIIe siècle et quelle est son importance dans le monde contemporain en évolution rapide ?
Angélique est complètement actuelle. Elle est dans toutes les héroïnes de notre siècle, qui réussissent à sauver leurs enfants des massacreurs « rebelles », à survivent aux pires épreuves, à rendre la vie belle quelques fois, même en vivant en recluses, en proies d’hommes qui n’en sont pas et qui au nom de Dieu, de la coutume, de la tradition, veulent répandre sur terre le règne du sang, de la terreur, et surtout de la bêtise, cause de tout.
« La bêtise est le pire fléau de l’humanité » ; cette phrase de mon père, une journaliste l’avait mise en titre de son article sur Anne et Serge Golon.
Les femmes qui sont aujourd’hui dans les prisons de Kabul avec leurs bébés, emprisonnées par les Talibans parce qu’elles ont choisi leur fiancé ou mal mis leurs prisons de toile, qui crèvent de souffrances en attendant leurs exécutions, celles qui manifestent au-dehors, sont des Angélique. L’œuvre Angélique est pour elles et pour tous les hommes dotés de cœur et d’intelligence du monde. C’est un phare dans la nuit, une fenêtre ouverte.
« Paix aux hommes de bonne volonté » était la maxime d’Anne Golon. Son message est on ne peut plus actuel et indispensable, plus même qu’en 1956 : lutter contre le fanatisme de toutes formes et religions, ne pas laisser la marée des tueurs envahir la terre ; donner l’espoir que l’on peut échapper au pire ; témoigner du bonheur, et la certitude que Dieu (le vrai, pas l’idole des massacreurs) est le plus fort.
Dans des domaines moins tragiques, Anne Golon a lutté comme Angélique, non tant pour elle-même que pour la justice. Ainsi pendant douze ans contre des groupes géants pour, à travers sa cause, faire respecter le droit des auteurs: « Beaucoup d'auteurs sont maltraités. Beaucoup de gens sont trompés et manipulés à leur insu. Quand on s'en rend compte, il faut se battre. »
En 2010 le ministre de la culture Frédéric Mitterrand lui a rendu hommage à ce sujet en lui remettant l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettes: « Cette décoration, chère Anne Golon, c’est aussi une réparation car je sais le combat en justice qui a été le vôtre auprès de vos agents et de vos éditeurs pour faire respecter vos droits. Ces combats en faveur des auteurs, vous le savez, je les fais miens dans tous les domaines artistiques, confrontés aujourd’hui à la question du téléchargement et de la reproduction illégale sur internet. »
En avant ! » était la phrase de notre mère dans ses dernières années.

Qu'est-ce qu'Anne Golon ressentait à l’égard de son héroïne ?
Dans son interview en 2011 elle disait  Elle m'accompagne. C'est quelqu'un que je connais. Une amie. Je ne trouve pas qu'elle me ressemble tellement. Mais forcément, on s'entend. Je n'aurais pas pu vivre aussi longtemps avec quelqu'un qui ne me correspond pas. »

Prévoyez-vous d'organiser des événements dédiés au centenaire d'Anne Golon, quand et où exactement ?
Un évènement sera organisé à Paris à la Maison de la Science et de la Culture de Russie, il y aura un gala à Versailles au printemps où seront bien sûr invités les personnalités russes en France. Le centenaire d'Anne Golon peut être célébré toute l’année 2022. Un évènement sera organisé par Mme Svetlana Savitskaya à Moscou le 17 décembre.

C'est désormais vous qui vous occupez de la préservation de l'héritage littéraire de votre mère ?
Oui, avec et pour mes frères et sœurs. Comme c’est ce que j’ai fait auprès de ma mère depuis 1991, je continue. C’est ma mission et mon honneur de perpétuer le souvenir d’Anne Golon, de maintenir son œuvre vivante et présente dans le monde pour de nouveaux lecteurs. Je veux aussi faire connaître l’œuvre de notre père (Serge Golon/ Vsevolod Sergeivitch Goloubinoff) qui fut un grand peintre, qui inventa des couleurs changeant avec la lumière. Une exposition est prévue à Moscou, en 2023.

En Russie et en URSS, le grand public a connu Angélique grâce aux films de Bernard Borderie au milieu des années 70, les lecteurs ont découvert le roman plus tard.
Les livres ont été publiés en Russie à partir de 1967. Ils ont été bestseller malgré que le premier livre valait très cher. Les films sont arrivés plus tard en URSS et ont acquis une nouvelle génération de fans russes, qui sont ensuite devenus lecteurs

En URSS puis en Russie et dans tout l'espace postsoviétique, les films et livres sur les aventures d'une Française aux cheveux dorés sont toujours populaires. Prévoyez-vous de publier une nouvelle version éditée des romans d’une traduction de haute qualité en russe ?
Oui. Nous avons fait accord avec un éditeur pour une traduction russe de qualité de la version complète et inédite. Il est le seul à avoir les droits exclusifs en langue russe sur l’œuvre littéraire Angélique (avis à ceux qui publient actuellement « Angélique » en russe, sans aucuns droits). Cette publication viendra après l’achèvement du dernier livre dont il sera le premier éditeur.

Et autres langues?
Nous sommes ouverts aux propositions en d’autres langues. Mais pour l’instant il n’y en a pas. Actuellement les seuls éditeurs officiels, hors le russe, sont en français : Les éditions de l’Archipel et Pocket en 2022.

Quelles autres bonnes surprises préparez-vous pour les lecteurs et fans d'Angélique ?
J’écris une biographie d’Anne et Serge Golon et j’espère réussir à accomplir le vœu de ma mère en réalisant le dernier livre de l’histoire d’Angélique, auquel elle travaillait depuis plusieurs années.

Anne et Serge


Comment se sont rencontrés vos parents Anne et Serge Golon ?
En tant que reporter, ma mère avait emmené quelques noms de personnes à rencontrer en Afrique pour ses articles, dont celui de M. Goloubinoff. Elle s’est retrouvée une nuit seule en pleine brousse en sortant du train. Après quelques péripéties, elle a enfin atteint sa maison et demandé au boy d’aller réveiller son hôte, qui l’a accueillie très courtoisement. Le coup de foudre a été immédiat. Leur vie est un roman vrai extraordinaire que j’écris depuis quelques années.

Parlez-nous de Serge Golon, de sa famille russe sa famille ?
Son père (Sergey Petrovitch Goloubinow) né en 1879 Vilna, était lié à l’Orient par sa formation à l’école des langues orientales (il en parlait une dizaine) et sa carrière de diplomate du Tsar. La plupart de ses missions furent en Asie centrale et en Orient, jusqu’à son dernier poste en Perse, comme consul de Russie–gouverneur à Ispahan.
Le grand-père de Sergey, Alexandre Alexandrovitch Bodarenko-Goloubinow avait fait la Grande guerre Patriotique aux côtés d’Alexandre Ier qui l’avait haussé dans l’ordre de la noblesse en 1815. Sa mère Seraphina Alexandrovna Wassilkowskaia, 1883-1911, née à Grodno, était aimante et maternelle. Elle avait le don de la musique, chantait et jouait du piano. Elle mourut très jeune du typhus laissant ses trois enfants inconsolables. Sergey Petrovitch se remaria plus tard avec Natalya Alexandrovna Litvinova (issue des Narichkine).

Comment votre père est-il arrivé en France ?
Son enfance et son adolescence ont été pleines d’aventures et de voyages, au grès des postes de son père. Les évènements venaient à lui plus qu’il ne les cherchait. D’Ispahan, il a ensuite traversé la Russie en pleine révolution pour terminer ses études chez son oncle à Sébastopol, qu’il a quitté plus tard avant la venue des Bolcheviques. Il est arrivé en France de Constantinople, pour rejoindre sa famille qui y avait trouvé refuge.

Anne et Serge Golon ont eu une géographie de résidence très riche. Pourquoi ils ont changé tant de pays?
Mon père a vécu au Turkestan, en Russie, en Perse, au Caucase, puisque son père Sergey Petrovitch Goloubinow fut diplomate du Tsar. Il a quitté la Russie en 1920, fait ses études de géologue en France (Mines de Nancy) et est parti en Afrique, Indochine, Laos, Afrique, selon ses missions. Ma mère a quitté la France en 1947 pour l’Afrique-Congo, Tchad.
Puis ensemble, ils ont vécu en France, en Suisse, en Israël. Ils ont fait des voyages professionnels en Amérique, au Canada. Nous, enfants avons vécus surtout en Suisse et plusieurs années en Israël. Et ensuite chacun a pas mal voyagé dans notre jeunesse.

Quelles traditions et coutumes de la culture russe Serge Golon a-t-il apporté à la vie de sa famille ?
Notre père chantait souvent et mon frère Pierre et moi, chantions avec lui en russe ou l’accompagnions à l’harmonica (les Bateliers de la Volga etc…) Il avait une magnifique voix de basse. Il avait des disques de Chaliapine, de Borodine, de danses russes que j’écoutais en boucle à 7, 8 ans. Les fêtes, la Pâque, nous les avons vécus un peu plus tard avec nos tantes, ses sœurs Vera, Nadia et Ludmila, dans la meilleure tradition russe.

Avez-vous réussi à garder la langue russe dans la famille ?
Malheureusement, notre père qui parlait très bien le français ne nous a pas parlé russe, du fait que notre mère ne le savait pas. Je le regrette, car enfants nous apprenions facilement les langues, et maintenant, cela me prendrait trop de temps. Mais je l’ai gardé à l’oreille, par ses chants et les conversations entre nos tantes.