Salut! Ça va?

Oxana Saimo : « J’ai choisi d’être une citoyenne du monde »

2021-11-01 15:41 2021-11

Oxana Saimo est née sur les rives de l’Amour. Elle a fait ici ses tous premiers pas en chinois, en études des relations internationales. Enthousiasmée par la richesse passionnante et la diversité des cultures, c’est d’ici qu’elle est partie découvrir ce monde.

Son parcours brillant m’a toujours inspirée beaucoup d’admiration. Mes projets de vous présenter Oxana sur les pages de la revue se réalisent enfin grâce a une occasion excellente : elle s’est vue sélectionnée par le gouvernement chinois parmi les 40 meilleurs interprètes de la langue chinoise du monde ! Oxana nous raconte aujourd’hui comment arriver à une pareille réussite exceptionnelle.  


Quand et comment est née votre passion pour les langues étrangères, en particulier le chinois ?
Ma passion pour les langues étrangères est née très tôt dans mon enfance. Originaire de Blagovechtchensk (région de l’Amour), je suis née et j’ai grandi à la frontière avec la Chine, j’ai donc commencé à apprendre le chinois dès l’âge de 6 ans. Ma famille vivait dans le quartier de la douane, à quelques pas de la frontière avec la Chine. Je me souviens qu’étant petite, j’avais toujours écouté la radio et regardais la télévision chinoise – dans ma chambre le réseau russe étant très faible, seulement les chaines chinoises fonctionnaient correctement. 

Qu’est-ce qui vous passionne le plus en chinois et en culture chinoise ?

La langue chinoise est une langue passionnante, avec ses sinogrammes, un concentré d'histoire et de culture. Pour moi les caractères chinois sont comme des images avec une riche histoire et signification particulière. Par exemple, le mot chinois pour montagne est écrit comme : 山, le mot chinois pour personne est écrit comme : 人, le mot chinois pour bouche est écrit comme : 口, le mot chinois pour soleil est écrit comme : 日.

Voyez-vous une ressemblance ? Cela me passionné dès mon très jeune âge, j’avais envie d’en connaitre davantage et de pouvoir écrire et parler couramment cette langue si particulière. Cela va faire 30 ans depuis que j’ai commencé à apprendre le chinois. Malgré le fait que j’ai fait mes études supérieures avec des étudiants chinois et habité en Chine pendant 6 ans, je continue à apprendre chaque jour, celle langue me passionne toujours autant. 

Et le français, aujourd’hui c’est principalement votre langue de communication ? Quand avez-vous commencé à l’apprendre ?

J’ai commencé à apprendre le français à Blagovechtchensk quand j’avais 12 ans, j’ai suivi un programme d’études de 5 ans dans une des écoles des langues étrangères de la ville. Mais comme je suis partie en Chine pour mes études par la suite, la langue chinoise est très vite devenue pour moi la langue principale de communication.

Après la fin de mes études en Chine, j’ai décidé de poursuivre un master en relations internationales à Sciences Po, ainsi je suis arrivé à Paris pour mes études en été 2011. Bien que j’ai fait mes études et que je travaille principalement en anglais, depuis plus de 10 ans le français est pour moi la langue de communication au quotidien. J’adore cette langue et je continue à l’apprendre chaque jour.

Vous avez fait vos études en Russie, puis en Chine et en France. Comment toutes ces formations vous ont construite et enrichie ?

En effet, j’ai fait de très longues études… Après 5 ans à l’Université d’État de l’Amour, j’ai décidé de partir en Chine afin de perfectionner mon chinois. Mon projet initial était d’étudier en Chine pendant 1 an et de rentrer en Russie par la suite. Je ne pouvais pas imaginer que ce voyage d’un an m’amènerait jusqu’à la France quelques années plus tard.

En effet, au bout d’un an d’études en Chine, j’ai obtenu une bourse du Gouvernement chinois pour 3 ans d’études en Master. J’ai donc décidé à suivre mes études en didactique de la langue chinoise avec des étudiants chinois. Lors de ma 2eme année de master en Chine j’ai eu l’opportunité de participer en tant que bénévole dans l’organisation du Sommet de Davos d’été à Dalian. Cette expérience m’a permis de découvrir le monde des affaires et des relations internationales que je ne connaissais pas avant.

Mes années à Sciences Po Paris ont été une expérience complètement différente de celle que j’ai vécue en Chine et en Russie. Je me suis retrouvée dans un environnement très international et exigeant – dans ma promo il y avait des personnes venant de plus de 30 pays. Il y a eu une bonne moitié avec de l’expérience au sens des organisations internationales, et très engagées dans la vie sociale et économique dans leur pays.

Cette expérience au sein de Science-Po m’a permis d’avoir une vision plus claire et plus globale sur le monde, ainsi que sur le rôle que je peux y jouer. J’avoue que pendant toutes ces années en France, la connaissance de la langue et de la culture chinoise m’a offert beaucoup d’opportunités uniques et enrichissantes. J’ai continué à contribuer à l’organisation des sommets du Forum Économique Mondial en Chine et en Suisse.

Qu’est-ce que vous faites maintenant dans la vie ? Je sais que vous avez travaillé pour les institutions européennes, et vous êtes engagés dans différents projets associatifs et civiques.

Depuis 2017 j’habite dans les Alpes françaises, à quelques pas de la frontière avec la Suisse. Cette belle région montagneuse m’a fait découvrir les paysages pittoresques à couper le souffle, ainsi que la France qui dépayse. Aujourd’hui, trentenaire, mariée et maman de deux beaux garçons, je travaille au sein d’une organisation internationale à Genève, en temps libre je pratique l’aïkido, le yoga et continue à améliorer mes connaissances en langues étrangères. 

Vous habitez en Europe depuis déjà plusieurs années, mais vous restez très attachée à la langue et à la culture chinoises. Parlez un peu du concours mondial des interprètes organisé par le Gouvernement chinois que vous avez gagné et qui vous a offert l’opportunité de suivre une formation exceptionnelle en traduction en langue chinoise.

En janvier de cette année, le gouvernement chinois a annoncé un concours des interprètes en chinois. Je me suis toujours intéressé à l’interprétation simultanée et consécutive, j’avais même eu plusieurs occasions d’assurer ce type d’interprétation lors de mes missions en Chine et en France. Pendant la pandémie et grâce au développement technologique, il est devenu possible de suivre ce type de formations en ligne. Et comme j’étais en congé maternité de 4 mois, j’ai décidé de me lancer dans cette aventure. Les 4 mois de formation ont été très intense : 4 à 6 heures de cours en ligne chaque jour, travail en petit groupe et des heures d’entrainement. Cette formation m’a permis d’améliorer mon niveau en chinois et en russe, mes aptitudes en communication, et enfin de m’a entrainé à gérer des situations de stress en confiance et avec de l’esprit calme.

Comment vous avez eu l’idée d’enseigner le français aux Chinois ? Vous avez élaboré votre propre méthode ?

Cela s’est fait tout naturellement quand j’ai lancé ma chaine BiliBili (YouTube chinois). J’ai commencé à produire des vidéos en chinois et en français pour parler de la différence culturelle entre la Chine et le France. Mes abonnés m’ont très vite demandé à produire des vidéos avec les astuces sur l’apprentissage du français. Je me suis concentré sur des fautes que font souvent les Chinois en français, ces vidéos ont accumulé plus de 50 000 vus.

Vous parlez français, anglais, chinois, japonais, russe… laquelle des cultures vous est la plus proche ? Est-ce que vous vous sentez toujours russe ?

C’est une question assez difficile à répondre. Malgré le fait que je me suis installée en France depuis plus de 10 ans et j’adore ce pays, je ressens un lien très fort avec la Russie et le Chine. La culture russe m’a appris la patience et les valeurs de la famille ; la culture chinoise m’a appris la modestie et l’humidité, la culture française m’a appris la curiosité et l’esprit critique. J’ai choisi d’être une citoyenne du monde – je suis convaincu que toutes les civilisations du monde ont des belles choses à nous offrir, si l’on reste respectueux et que l’on maintien l’esprit ouvert.