Salut! Ça va?

Au cœur de la francophonie chinoise

2021-11

Entretien avec LIU Chengfu, professeur de français à l’Université de Nanjing,
vice-président de l’Association chinoise des professeurs de français.

Ce n’est pas un secret pour personne que la langue chinoise devient de plus en plus populaire dans le monde entier. Le nombre d’apprenants de chinois augmente à une vitesse déferlante. Mais comment se porte la langue française en Chine ? Donnons la parole à Liu Chengfu, un des spécialistes francophones les plus réputés en Chine, interprète, auteur de plus de 80 monographies, manuels ou livres traduits.

Quand avez-vous fait vos premiers pas en français ?
C’est en 1979 que j’ai commencé à apprendre le français à l’âge de 17 ans. Je suis toujours très reconnaissant de Deng Xiaoping, ancien président de la R.P. de Chine. Grâce à lui, la Chine a ouvert ses portes au monde extérieur après la Révolution culturelle, et nous avions de la chance, comme tous les 4% de ma génération, de poursuivre nos études universitaires par Concours.

Pourriez-vous présenter votre parcours professionnel ?
En 1981, j’ai été admis par l’Université de Nanjing. Après mes études universitaires, j’ai travaillé comme enseignant dans le Département des étudiants internationaux de mon université, et là, j’ai eu la chance de rencontrer des étudiants venant des quatre coins du monde. Pour améliorer mon français, je suis allé en France et j’ai fait mes études à Paris VII sous la direction de Madame Michelle Perrot. Ayant obtenu le doctorat en 1994, je suis immédiatement retourné à l’Université de Nanjing et j’y ai commencé à y travailler comme professeur de français jusqu’à aujourd’hui.

Qui sont vos élèves aujourd’hui ?
Parmi mes élèves, je pense qu’il y a trois niveaux, soit étudiants de licence, étudiants de Master et doctorants. Ces étudiants sont très intelligents, très motivés et très compréhensifs. C’est un grand plaisir pour moi de leur donner le cours de français ou de littérature.

Quelle est la principale motivation de vos élèves d’apprendre le français et de le maitriser bien ?
Le français est une belle langue, les Chinois l’apprécient beaucoup. Pour certains débutants, peut-être, c’est par la curiosité qu’ils apprennent le français. Mais comme tout le monde le sait, le français est une langue très difficile à maîtriser. Surtout, le masculin, le féminin, la conjugaison, tout cela est trop compliqué. Néanmoins, avec de la volonté et de la pratique, mes élèves sont tous très réussis dans leurs études.

Est-ce qu’on peut dire que le français est une langue populaire en Chine ?
En Chine, presque tous les jeunes commencent à apprendre l’anglais dès l’école primaire. Dans la vie quotidienne, on ne parle pas français. Même dans le département de français, les étudiants n’ont pas d’habitude de parler français entre eux. Après la classe, on parle toujours chinois. Donc, pour les Chinois francophones, on est un peu faible en français oral.

Quels débouchées ont les jeunes francophones chinois aujourd’hui ?
En Chine, si l’on a bien maîtrisé cette langue, c’est très facile de trouver un emploi bien rémunéré. Certains de mes élèves travaillent dans le Ministères des Affaires étrangères, dans l’Agence Xinhua, ou dans une université. Ils sont diplomates, traducteurs, interprètes, professeurs etc.

Parlez un peu de vos projets de traduction des œuvres littéraires. Je sais que vous avez travaillé ensemble avec Jean-Marie Gustave Le Clézio, lauréat du prix Nobel en littérature.
J’ai déjà traduit plus de soixante œuvres tels que La société de consommation de Jean Baudrillard, Mainstream-Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde de Frédéric Martel, Manifeste hédoniste de Michel Onfray, Éloge de l’infini de Philippe Sollers, Réinventer l’État -Les réformes de l’administration française (1962-2008) de Philippe Bezes, L’administration de l’État de Patrick Gérard. Le rhinocéros d’or-Histoires du Moyen Age africain de François-Xavier Fauvelle-Aymar, Étranger dans le mariage d’Emmir Kusturica, Homo Sapens Technomogicus de Michel Puech, La Démocratie aux champs de Joēlle Zask, Villa Kérylos d’Adrien Goetz etc. J’ai déjà considéré le français comme une partie de ma vie. Pour moi, la traduction est une joie, mais aussi la signification de ma vie. Depuis dix ans, Jean-Marie Gustave Le Clézio travaille comme enseignant dans notre département de français. Personnellement, j’ai beaucoup appris auprès de lui. Son attitude et sa position envers les races marginales, surtout envers les Africains m’ont beaucoup influencé. A mes yeux, Le Clézio est un Blanc en apparence, mais un Noir en esprit. 

Et vous avez aussi traduit la biographie de l’ancien Président de France François Hollande et même avez reçu des remerciements de sa part ?
Oui, François Hollande m’a écrit une lettre en 2015, et m’a donné un entretien très amical dans son bureau en 2018. C’est vraiment un souvenir inoubliable. Mes efforts ont été reconnu par le président de la République, franchement parlé, je suis très encouragé.

Quelle est, d’après vous, votre plus grande réussite professionnelle ?
A part mes traductions, j’ai rédigé une vingtaine de manuels et j’ai écrit quelques études telles que La littérature française du 20e siècle, L’identité culturelle et la littérature moderne, La littérature française moderne et contemporaine, tout cela est très apprécié par les chercheurs chinois. Mais, ce qui est plus signifiant pour moi, c’est que j’ai effrayé un chemin pour étudier la littérature francophone en Chine. L’influence française en Afrique est grande, les Africains ont beaucoup souffert, il nous faut le prendre en grande considération.

Quels sont vos projets à venir ?
A l’heure actuelle, en tant que directeur exécutif du Centre de Recherche pour le Grand lac africain, je suis en train de collectionner des documents pour accomplir, en collaboration avec Madame Yuan Xiaoyi, le projet de recherche d’État, soit Études de la littérature francophone africaine. Dans mon cœur, l’Afrique devrait être un pôle très important sur le sujet de la diversité culturelle.