Salut! Ça va?

Il y a 80 ans, l’envol vers la liberté

2020-12
Cette année 2020 en parallèle du 75ème anniversaire de la victoire, la France devait fêter le général De Gaulle (1990+1970) et le 80éme anniversaire de l'appel du 18 juin mais le covid en a décidé autrement.

Il y a très bientôt 80 ans, un pilote de chasse Français, le capitaine Jean Tulasne rejoint la France Libre de façon spectaculaire en simulant une panne d’inhalateur. Voici son histoire.

Jean Tulasne, né en 1912 d’un père aviateur (voir « Salut ! Ça va ? » de novembre 2019), a suivi le parcourt académique d’un officier Français : Le Prytanée de la Flèche, St Cyr puis l’école de l’air à Versailles où il obtient son brevet de pilote le 7 juillet 1933. Première looping à 24 ans, Tulasne est affecté à Dijon, Tunis, Oran.

Puis en février 1940, il part sans sa famille à Rayak au Liban. Le capitaine Tulasne, commande la 2e escadrille (SPA 77 - Croix de Jérusalem), il supervise les débarquements des avions et assure la formation de ses pilotes au GC1/7. La routine de l'entraînement et les missions de surveillance côtière contre les rares incursions d'avions italiens ne comblent pas les pilotes dont le moral est bas, en particulier chez les aviateurs tchèques chassés par Hitler en 1938. Certains ont la chance de partir pour la France, les 28 avril et 5 mai 1940. Mais Tulasne n'a pas obtenu son départ.

Le 10 Mai 1940, les troupes d’Hitler envahissent la Hollande. Le Général laisse entrevoir la possibilité d'une intervention dans les Balkans, ce qui fait renaître l'espoir chez tous les pilotes impatients d'en découdre.

Les semaines passent dans l'inactivité et les conditions de vie pénibles, le courrier ne parvient plus, ni les informations sur la métropole. C'est dans ce climat que parvient, le 24 mai, l'ordre général N°29 du Général Vuillemin qui encourage les aviateurs à combattre « aile dans aile » avec nos alliés dans le ciel de Gloire de Guynemer jusqu'à la victoire !

Le Groupe, et Tulasne en particulier, enrage de ne pouvoir se battre, tandis qu'en France, les camarades se défendent vaillamment contre l'envahisseur. Le Commandant Deschamps-de-Pas écrit au Général d'Harcourt pour demander de rentrer en France, mais en vain.

Les nouvelles alarmantes arrivent de France et l'on s'inquiète sur le sort des familles prises dans le désordre de la débâcle.

Le 10 juin, l'entrée en guerre de l'Italie rapproche les menaces sur le Levant.

Dans la journée du 14 juin, Tulasne donne à ses hommes des nouvelles de France : l'avance allemande, l'encombrement des routes par les réfugiés venant de Belgique, de Hollande, du Nord de la France. II leur fait

part de ses discussions avec le commandement de l'air et de son inquiétude de les voir prêts à accepter de déposer les armes.

L’effondrement de la métropole alimente de vives discussions au Mess entre les défaitistes et ceux qui envisagent de poursuivre le combat avec les Anglais. Tulasne se rend tous les jours au Q.G. à Beyrouth pour essayer de convaincre le commandement d'envoyer le G.C. 1/7 en Egypte. Il finit par obtenir, non sans mal, la réactualisation d'un ordre de mission d'appui aérien auprès de la R.A.F. en Egypte : le 23 juin, une patrouille de trois Morane 406 est autorisée à partir, Jean espérant suivre avec tout le groupe…

Le lendemain, la nouvelle de la signature de l'armistice arrive comme une bombe en Syrie où les autorités affirment que le combat doit continuer aux côtés des anglais, mais le 26, parvient l'ordre de déposer les armes.

La patrouille reçoit l'ordre de rentrer, ce qu’elle refuse. Des officiers, avec deux mécaniciens que Tulasne envoie récupérer des pièces sur le Morane de Péronne à Ismaïlia, sont dépêchés à Héliopolis pour convaincre les "traîtres" de rentrer sans succès : les mécaniciens rencontrent le capitaine Paul Jacquier, fraîchement rallié sur son Potez-63-11, qui les convainc de rester... ! Les trois pilotes du 1/7 et leurs mécaniciens vont former, avec d'autres "déserteurs", le Free French Flight n°2, sous les ordres de Jacquier.

Quand Tulasne a vu rentrer les officiers bredouilles, il a compris que tout espoir était perdu. II décide de partir avec tout le Groupe, mais le Commandant Deschamps de Pas, a pris les devants et le matin du départ les avions étaient inutilisables (réservoir vides et pièces essentielles enlevées) et des soldats Sénégalais bloquaient le terrain.

Les officiers sont arrêtés et Tulasne, rendu responsable du mouvement et de la trahison de ses trois camarades, est mis aux arrêts de rigueur et interdit de vol.

Puis le 10 juillet, il organise la discrète évasion par camion des pilotes tchèques du GC 1/7 vers la Palestine.

Le 26 juillet, est supprimée la permanence d'alerte.

Tulasne « ronge son frein », à entendre comme chaque soir les conversations écœurantes de ses compatriotes qui tous, sans hésiter ont accepté l’épouvantable armistice. Rayak où le portrait de Pétain orne chaque bureau où, des lieutenants au colonel, personne n’a assez de louanges pour vanter les mérites du maréchal.

Mais bientôt, il retrouve les commandes, Tulasne se rend régulièrement à Rayak avec le Potez 29 n°116, quand il a des passagers, ou bien avec son Morane bien qu'il ne puisse sortir qu'en patrouille et surveillé de près. Il renouvelle ses séances d'acrobaties aériennes qui lui font une réputation extraordinaire dans les villages voisins, et le chef des Druzes demande comme pilote personnel "cet homme pire que le tonnerre et l'éclair".

En secret, Jean prépare le "grand départ" et n'attend plus qu'une opportunité pour rejoindre la France Libre et se battre.

Afin de ne pas éveiller les soupçons sur ses projets, il adresse le 16 novembre 1940 au Ministère de la guerre à Vichy par voie hiérarchique, Commissariat de l'Air au Levant, 7e Escadre, 1er Groupe, une demande d'autorisation de faire venir sa femme et ses deux enfants au Levant.

Début décembre, Jean Tulasne a 28 ans, l’occasion inespérée se présente : le plan de vol du 5 décembre prévoit comme coéquipiers l'A/C Amarger et l'Adj. Grivelet, deux camarades sûrs. De plus, ce jour-là, les conditions météo sont "parfaites" : ciel bouché couvert de nuages tout à fait inhabituels pour la région Plafond 500 mètres, peut-être moins sur la Palestine" avait dit le Lieutenant météo.

La mission prévoit : montée avec inhalateur, protection de Potez-63, acrobatie relative - 5h.10 de vol. Tulasne décolle de Rayak aux commandes de son M.S.406 n°819 (L848) avec ses "anges gardiens".

L'Adjudant-Chef Amarger racontera peu après à Igor Eichenbaum du G.B.1/39, et futur interprète à Normandie-Niemen, cette sortie mémorable qui lui valut bien des tracas lors de l'enquête.

L’altimètre indique 5500 mètres et 3000 mètres plus bas la plus belle couche de cumulo-nimbus dont on puisse rêver. Les conditions idéales pour disparaître. Au-dessus, son équipier, ne perd pas des yeux son leader. A 10h.15, Amarger entend en phonie la voix haletante de son chef :

"Allo ! Allo ! Ici Tulasne, Ici Tulasne... mon inhalateur ne marche plus ! Ordre descendre en piqué et me suivre..." Le grésillement de la radio s’éteint brusquement.

L'avion de Tulasne amorce un retournement à gauche suivi d'un piqué vertical, Amarger s'exécute, plonge dans la couche de nuages, qui s’étend de 4000 à 500 mètres. Trois, quatre secondes et les nuages l’engloutissent. C’est la dernière image que l’adjudant-chef Armager garde du capitaine Jean Tulasne, l’as du GC 1/7 de Rayak ». Au sortir des nuages, rien à l'horizon, rien au ras de l'eau, aucune trace sur la surface sans ride de la mer.

Amarger et Grivelet décident de rentrer à la base donner l'alerte. Les recherches par avions et bateaux, et même à terre, durent plusieurs jours, sans aucun résultat.

Alors qu’au ras des flots, Tulasne en pilote consommé, a redressé son Morane au ras des vagues et a mis le cap sur la côte proche de Palestine, vers la liberté. Une patrouille vole à la rencontre de cet intrus mais n'a pas à intervenir, Tulasne pose son appareil à Lydda et sort triomphant de sa carlingue. Il n'a pas le temps de raconter son exploit ; il est aussitôt dirigé vers le Head-Quarter de Jérusalem par l'officier de liaison des F.F.L. en Palestine, le Capitaine Répiton-Préneuf. Son Morane ramené à Haïffa par l’adjudant Coudray est mis en « stand-by ».

Peu après Tulasne est accueilli avec une joie très vive par ses anciens camarades du GC 1/7, stationnés, avec le F.F.F. N°2, tout près, à Haïfa où il est chargé de protéger les raffineries de l'Irak Pétroléum Company.

De l'autre côté, ses camarades du 1/7 se doutent de ce qui s'est réellement passé et souhaitent que Tutu ait réussi.

Curieux ! le mousqueton de son père, cette "relique" exposée dans son bureau, a disparu. Et puis son équipier a noté que pour quelqu'un qui allait s'écraser la voix de Tulasne était rudement calme ! D'ailleurs Tulasne n'a-t-il pas laissé entendre à certains camarades que s'il venait à disparaître un jour prochain il ne faudrait pas trop le regretter : "Pleurez-moi un peu... mais pas trop...

A Rayak, personne n'est vraiment dupe de la supercherie, mais il faut faire semblant pour éviter les sanctions de la commission d'armistice. Le commandant du GC 1/7, Deschamps de Pas, envoie son rapport dès le 6 décembre, au Général commandant de l'Air au Levant, sur les circonstances de la disparition. Réponse le 16 décembre.

Mais on ne badine pas avec les conditions draconiennes de la convention d’armistice qui stipule que tout passage en dissidence entraînera la dissolution de l'unité à laquelle appartient l'intéressé et la traduction du commandant de cette unité devant un tribunal allemand ou italien. Donc officiellement, pour les autorités de Vichy, le Capitaine Tulasne est porté "disparu en mer" et a même les honneurs d'un requiem solennel dans la cathédrale de Beyrouth et des fleurs seront jetées à la mer à l'endroit de sa « disparition », suivant la tradition.

De son coté, en France la famille est dans le désarroi : Un télégramme officiel est adressé à la mairie de Verrières-le-Buisson résidence de son oncle le Général Tulasne. « Capitaine Tulasne disparu le 5 décembre 1940 au cours d'un vol de haute altitude région Beyrouth - stop Recherches effectuées restées sans résultat stop - Prévenir avec ménagement Général Tulasne, 5 rue de l'Église. »

La mention du nom et de la date de décès est portée sur les tables mémorielles au Prytanée de la Flèche dont il est ancien élève et sur celles de la Mairie de Tours - patrie de sa famille.

La famille, sans autres nouvelles, vit dans l'angoisse et les larmes, mais elle garde l'espoir ; puis trois semaines après la disparition - surprise ! Un câblogramme envoyé du Caire le 30 décembre à l'une de ses sœurs, Mme Montalègre, donne signe de vie et demande des nouvelles : « Pense à vous Françoise, Geneviève, Triste Noël. Vais bien ».

La famille est rassurée, mais voudrait en savoir plus.

Une lettre du 3 janvier 1941 d’Etienne Vachèz de Châteauroux, à son frère Pierre (beau-père de Jean) qui a reçu la visite d’un officier démobilisé de Syrie à qui Jean avait donné rendez-vous au paquebot pour lui remettre lettre et argent à l’intention de son épouse, mais il n’était pas au rendez-vous. Son impression : « Tulasne ne s’est pas tué ! Il était comme la plupart de ses camarades, impatient d’action. Il manifestait à table sa déconvenue de ne pouvoir courir sus à l’ennemi. D’aucuns étaient partis offrir leurs services aux unités voisines combattantes. Il y a 90 chances sur 100 qu’il ait suivi leur exemple. L’Armée de Syrie et plus particulièrement l’aviation n’était pas partisante de la collaboration !! »

Tulasne est aussitôt conduit au head-quarters de Jérusalem, et le soir même de ce 5 décembre, accompagné du Capitaine Répiton-Préneuf, officier de liaison F.F.L., il retrouvait quelques camarades français, au restaurant de l'Hôtel King David. Il leur raconta les péripéties de ses tentatives de départ de Rayak, jusqu'à la réussite de ce jour.

Arrivé au Caire, Tulasne envoie un nouveau message à sa famille, sous la signature de Jeanne Thuilot, nom proche du sien, pour ne pas se faire identifier par la censure de Vichy. Marie-Jeanne Thuilot est l’amie de Mlle Deranger épouse du Général Jacquier. Jean recevra à cette adresse des nouvelles et des photos de son épouse.

En disparaissant sans laisser de traces, Tulasne a bien calculé son coup pour éviter des ennuis à son unité et à sa famille, mais n’ayant pas pris de nom de guerre, Vichy apprendra son ralliement à la France Libre, et prononcera sa Déchéance de la Nationalité Française (J.O. Nー282 des lundi 13 & Mardi 14 octobre 1941 aux côtés du Lt-Cel Valin et de nombreux autres Français Libres) – juste au moment où se créait le GC1 « Alsace » ...


Désirant aller au combat le plus tôt possible, alors qu'il n'y a pas encore d'unité française combattante, Tulasne signe son engagement dans la R.A.F. dès le 7 décembre. Il commence son entraînement à Ismaïlia en O.T.U. dès le 20 décembre ; Le Pilot’s Flying Log Book - carnet de vol de la R.A.F.- daté du 9 janvier 1941 porte la note « Exceptional », qui est rarement attribuée à un pilote, ce qui lui vaut de conserver son grade antérieur dans l’Armée de l’Air, comme Flight Lieutenant.

Tulasne rejoint, le 16 janvier son affectation, le 274e fighter squadron, commandé par le Sqn Ldr Dunn, à Sidi-Hanish, qui doit participer aux opérations sur le front de Libye contre les Italiens dans la région de Tobrouk à Benghazi. Le front libyen a été franchi le 7 décembre par les alliés, la 7e et Division blindée britannique et les Français Libres du 1er Bataillon d'Infanterie de Marine sous les ordres du Cdt Raphaël Folliot. Bardia tombe le 6 janvier et Tobrouk le 21 janvier.

Du 17 janvier au 5 février 1941, en trois semaines, Tulasne totalise 19 missions de guerre en 40h.35 de vol, dont les 2/3 sur le Hurricane V7423. La première sortie de reconnaissance le 17 janvier avec le FIL Wykeham-Barnes, fut l'occasion d'un exploit peu commun qu'il racontera lui-même à la radio : Je rencontrai un jour dans les airs un avion sanitaire « Savoia-Marchetti 81 », venant de Tobrouk, ville assiégée par les Anglais. Le signe de la Croix-Rouge sanitaire inscrit sur l'avion ne me permettait pas de tirer sur lui. Toutefois, je n’eus qu'à m'approcher de l'appareil pour que le "courageux" pilote italien descendit et se posa sur une plage... dans les lignes anglaises. Les passagers tentèrent aussitôt de s'enfuir, mais ils furent faits prisonniers. Or parmi eux se trouvaient six généraux italiens qui tentaient ainsi de fuir Tobrouk. "

Celui-ci s'est attribué l'exploit relevé à la même date dans "Fighters over the desert" de Christopher Shores & Hans Ring.

Toutefois Rudrauf ami de Faucret évoque la semonce de Tulasne « un petit coup à droite, un petit coup à gauche»

L'avion italien se pose sur la plage, à 15 km à l'Ouest de Tobrouk. Il est repéré par des troupes françaises libres du 1er B.I.M. qui se trouvent dans les parages : le Détachement du Bataillon d'Infanterie de Marine Français Libre du Lieutenant-Colonel des Essarts, signale cet atterrissage forcé à 1 km en avant des lignes de la 1ère Compagnie. C'est le Caporal-chef Faucret et son groupe d'observation au sémaphore qui s'emparait des "7 aviateurs italiens", éteignant un début d'incendie de l'avion, sortant des canons de rechange Oërlikon et surtout le courrier destiné à la garnison italienne de Tobrouk. Courrier remis aussitôt au Support-Group, aidant ainsi une identification presque complète de cette garnison.

Ces précisions ont été rapportées par Rudrauf, ami de Faucret, à François Tulasne, un 18 juin à paris.

La chute de Tobrouk suivit de peu, le 22 janvier 1941, l'armée italienne y laissant 30000 prisonniers. La violente contre-attaque de ses blindés, les 5 et 6 février, échoua face à la 6e Division australienne l'obligeant à abandonner Benghazi et livrant la Cyrénaïque aux Alliés.

Profitant de ce répit avant l'arrivée des gros renforts allemands de Rommel, le 274e squadron retourne sur ses bases à Amrya, en Egypte pour un repos bien mérité, laissant ses Hurricanes au 3e squadron RAF, dernière unité équipée du Gloster Gladiator périmé. Le 274e doit y assurer la protection d'Alexandrie.

Le 9 février 1941, de retour du front, il rejoint en Palestine ses camarades du Free French Flight n°2 chargés de la protection d’une raffinerie.

Le 12 avril 1941 le Général De Gaulle le nomme commandant et chef d’état-major des FAFL au Moyen Orient où il a pour missions de maintenir le contact avec les aviateurs français de la R.A.F. et préparer la création d'unités françaises autonomes.

Il est à l’origine de la création de deux groupes de chasse FAFL qu’il commanda :

Le Groupe de Chasse N°1 « Alsace » le 15 septembre 1941. Le 27 août, sur la suggestion du Tulasne, le général De Gaulle signe l'acte de naissance du G.C.N°1 « Alsace » à Rayack au Liban, il est composé de deux escadrilles placées sous les ordres de Tulasne. Parti en Egypte mi-janvier, c’est en avril que le G.C.1 est chargé de couvrir la 8e armée britannique en retraite au cours de la bataille de Gazala.

A partir de juin, les combats s’intensifient et se traduisent par de lourdes pertes. Le 11 juin, le commandant Tulasne est missionné à la préparation du GC3 destiné à combattre sur le front de l'Est. Il a participé à 16 missions de guerre du 29 avril au 1er juin sur Hurricane Mk.1 pour 20h de vol accomplissant jusqu'à deux ou trois sorties par jour.

Le Groupe de chasse N°3 « Normandie » est créé le 2 septembre 1942 à Rayak, il fut le 1er détachement étranger engagé sur le front Russe avant la victoire de Stalingrad et deviendra la 1ère formation de chasse française avec 273 victoires homologuées et 37 probables. Le groupe de 14 pilotes part pour la Russie en décembre 42 où il découvre rapidement le vol sur Yak 1 dans l’immensité blanche. Tulasne prend le commandement opérationnel le 22 mars pour le départ au front (c'est la première campagne). La première véritable mission de guerre a lieu le 5 avril. Tulasne disparait au combat le 17 juillet 43 avec près de 90h de vol en 53 missions et 3 victoires.

Pierre Pouyade (qui suite) fut le dernier à l'avoir vu : « le petit nuage blanc prit sa, qui passa entre nous deux quand il grimpa dans le soleil, me le cacha pour toujours. »

La famille vit désormais cette disparition comme un deuil incertain avec l’infime espoir du retour de Jean. Puis une nouvelle arrive le 30 mars 1963 par télégramme du Général Petit, (ancien chef de la Mission militaire Française Libre à Moscou pendant la guerre) : « Apprenons avec émotion tombe commandant Tulasne retrouvée région Orel. Sommes tout cœur avec vous lettre suit » et le jour même et le lendemain, c’est la presse nationale et régionale qui annonce la nouvelle.

En effet, Galina Vladislavovna Malioutchenko, chef de l’atelier de géologie du Centre régional du tourisme pour enfants d'Orel, est allé voir avec son groupe d’enfant le film « Normandie-Niemen » au cinéma. Ce fut l’élément déclencheur qui la fit passer de la géologie à l'aviation. Car elle mena une recherche permanente dont la première expédition en 1960, avec un groupe d’écoliers de l’école numéro 23 d’Orel, fût la plus mémorable : celle où le pilote inconnu a retrouvé son nom Jean Tulasne… Évènement relaté dans le journal Les Nouvelles de Moscou, le 30 mars 1963 dans un encadré spécial « Aimer sa patrie comme l’a aimé Jean Tulasne ». Galina créa le premier musée russe consacré au groupe aérien « Normandie-Niémen ». Dans son ouvrage « Normandie - un vol vers l’éternité », Egor Chtchekotikhine décrit de façon très émouvante ses recherches, les témoignages de cet évènement tragique et les obsèques de ce pilote suivant les coutumes russes l’été 1943.
La dépouille de Kamienka ne peut être formellement identifiée à l’époque, d’autant que plusieurs autres pilotes ont été abattus dans le même secteur. La famille de Jean Tulasne a accepté qu'il demeure en terre russe.
Son corps supposé est transféré pour être inhumé en grandes pompes à Moscou ; sur la dalle est gravé: « Au pilote français inconnu de l'escadrille « Normandie », mort héroïquement dans un combat contre les envahisseurs nazis. Juillet 1943. Front de l'Ouest ».

Ce pilote reste le symbole pour les russes du sacrifice pour la libération de nos deux patries.

Merci Galina.