Mon lit est blotti entre ce grain de sable : les Pyrénées,
et cette goutte d’eau : l’Océan Atlantique. J’habite Orthez.
Mon nom est inscrit à la mairie et je m’appelle :
Francis Jammes.
LA NIVE
N'est-ce pas un feuillage agité par les vents,
Cette eau verte encaissée avec des remous blancs,
Telle que la forêt quand elle se retrousse ?
Sur un galet énorme, et sans une secousse
Son échine se courbe, et ne fait pas un pli.
Non, je ne pense point qu'il faille appeler lit
La crevasse profonde, en tous sens ébréchée,
Ni que pour y dormir personne l'ait cherchée.
Pourquoi pendre un repos qu'on ne désire point
Lorsqu'on s'en vient nu-pieds et des grelots aux poings,
Les cheveux ruisselants et toute ivre de vie,
D'Arnéguy, Lauribar, et de Béhérobie ?
En t'exclamant, devant les postes douaniers,
Tu danses inspirant l'amour et la pitié.
A tes haillons l'on voit pendre encor la dentelle
Que font, déchiquetée aux rocs, tes cascatelles.
Parfois du jardinet des carabineros
Tombe une rose noire, et tu ronges un os
Sur la grève, parmi les boîtes éventrées
Et de quelque couleur violente illustrées.
Ne passeras-tu pas ce bidon d'alcool ?
Eh ! serait-il moins fort de n'être qu'espagnol ?
La douane française a des culottes bleues,
D'un bleu de gentiane, et n'a pas peur des lieues
Qu'il lui faut arpenter pour, au fond d'un ravin,
Découvrir du tabac et des outres de vin.
Mais comment voudrait-on, ô Nive, quand ta grâce
Si gentille et si pauvre à la frontière passe,
Que le petit sergent ne baissât pas les yeux,
De peur, tenté par toi, d'offenser le Bon Dieu ?
Ma France poétique
N'est-ce pas un feuillage agité par les vents,
Cette eau verte encaissée avec des remous blancs,
Telle que la forêt quand elle se retrousse ?
Sur un galet énorme, et sans une secousse
Son échine se courbe, et ne fait pas un pli.
Non, je ne pense point qu'il faille appeler lit
La crevasse profonde, en tous sens ébréchée,
Ni que pour y dormir personne l'ait cherchée.
Pourquoi pendre un repos qu'on ne désire point
Lorsqu'on s'en vient nu-pieds et des grelots aux poings,
Les cheveux ruisselants et toute ivre de vie,
D'Arnéguy, Lauribar, et de Béhérobie ?
En t'exclamant, devant les postes douaniers,
Tu danses inspirant l'amour et la pitié.
A tes haillons l'on voit pendre encor la dentelle
Que font, déchiquetée aux rocs, tes cascatelles.
Parfois du jardinet des carabineros
Tombe une rose noire, et tu ronges un os
Sur la grève, parmi les boîtes éventrées
Et de quelque couleur violente illustrées.
Ne passeras-tu pas ce bidon d'alcool ?
Eh ! serait-il moins fort de n'être qu'espagnol ?
La douane française a des culottes bleues,
D'un bleu de gentiane, et n'a pas peur des lieues
Qu'il lui faut arpenter pour, au fond d'un ravin,
Découvrir du tabac et des outres de vin.
Mais comment voudrait-on, ô Nive, quand ta grâce
Si gentille et si pauvre à la frontière passe,
Que le petit sergent ne baissât pas les yeux,
De peur, tenté par toi, d'offenser le Bon Dieu ?
Ma France poétique
GUÉTHARY
Comme une étoffe bleue étendue est la mer,
Avec un bandeau jaune et quelques angles verts.
La palpitation du flot est insensible.
Une mouette vole à cette grande cible.
Et l'eau comme la plage est nue, à l'horizon
Où la nacre et l'argent entrent en fusion.
Ma France poétique
Comme une étoffe bleue étendue est la mer,
Avec un bandeau jaune et quelques angles verts.
La palpitation du flot est insensible.
Une mouette vole à cette grande cible.
Et l'eau comme la plage est nue, à l'horizon
Où la nacre et l'argent entrent en fusion.
Ma France poétique
ESPELETTE
Au pied du pic accidenté comme un squelette
Est le village en fleurs que l'on nomme Espelette.
On confond sa verdure avec ses contrevents ;
Sa pharmacie a l'air d'un nid pour les amants,
Sa justice de paix d'un pavillon des Muses,
Sa poste d'une escarpolette où l'on s'amuse ;
L'auberge semble offrir, dans son riant décor,
L'agneau rôti qui ce matin bêlait encor ;
Et les larges logis de vieux propriétaires
Portent des mots gravés dans l'orgueil de la pierre.
La douane affairée endosse le jour bleu,
Mais la plus poétique est la Maison de Dieu :
Dans une épaisse, lourde et grise architecture,
Que le jardin des morts revêt de sa ceinture,
Aussi haut que les cieux on a placé l'autel
Tout rutilant de bouquets artificiels.
L'or et l'argent à profusion se marient
Au sombre et reluisant chêne des galeries.
Là sont quelques tableaux, dons d'un Espeletta.
Mais le plus beau portrait qui sur tous m'enchanta,
Est cette mendiante à la démarche lourde,
Couverte de haillons, ronde ainsi qu'une gourde.
Elle vous tend la main auprès du bénitier,
Et comme un essaim d'or vous l'entendez prier.
Ma France poétique
Au pied du pic accidenté comme un squelette
Est le village en fleurs que l'on nomme Espelette.
On confond sa verdure avec ses contrevents ;
Sa pharmacie a l'air d'un nid pour les amants,
Sa justice de paix d'un pavillon des Muses,
Sa poste d'une escarpolette où l'on s'amuse ;
L'auberge semble offrir, dans son riant décor,
L'agneau rôti qui ce matin bêlait encor ;
Et les larges logis de vieux propriétaires
Portent des mots gravés dans l'orgueil de la pierre.
La douane affairée endosse le jour bleu,
Mais la plus poétique est la Maison de Dieu :
Dans une épaisse, lourde et grise architecture,
Que le jardin des morts revêt de sa ceinture,
Aussi haut que les cieux on a placé l'autel
Tout rutilant de bouquets artificiels.
L'or et l'argent à profusion se marient
Au sombre et reluisant chêne des galeries.
Là sont quelques tableaux, dons d'un Espeletta.
Mais le plus beau portrait qui sur tous m'enchanta,
Est cette mendiante à la démarche lourde,
Couverte de haillons, ronde ainsi qu'une gourde.
Elle vous tend la main auprès du bénitier,
Et comme un essaim d'or vous l'entendez prier.
Ma France poétique
LE BASSIN DE SAINT-JEAN-DE-LUZ
AU CLAIR DE LUNE
Rien de plus irréel que la nacre des cieux
Et de l'eau dans le petit port silencieux.
Les ombres des bateaux sont également bleues.
Dans un reflet de lune, on croit qu'un coup de queue
De poisson tout à coup forme un remous d'argent.
C'est une illusion, et le songe reprend.
Ma France poétique
AU CLAIR DE LUNE
Rien de plus irréel que la nacre des cieux
Et de l'eau dans le petit port silencieux.
Les ombres des bateaux sont également bleues.
Dans un reflet de lune, on croit qu'un coup de queue
De poisson tout à coup forme un remous d'argent.
C'est une illusion, et le songe reprend.
Ma France poétique
CHANT DEUXIÈME
Et, au printemps, qui fut aussi pluvieux,
les Pyrénées laissèrent dans les cieux
couler la neige. Alors, leurs veines bleues
parurent, les rendant plus lumineuses
que du verre. Et, au flanc des neiges creuses,
les sapins firent des plaques ombreuses.
Le gave vert, couleur de vieille vitre,
s'enfla, jaunit, inonda la saligue
où les roseaux et les sabres d'iris
croissent auprès d'enchevêtrés taillis.
La fleur d'osier sema la poudre fine
de son chaton en forme de chenille.
Extrait de Jean de Noarrieu
L'ADOUR VUE DE LA HAUTEUR D'URT
Courbe d'azur tracée au milieu du pays,
Dans la division des carrés de maïs ;
Épanouissement qui rend notre âme heureuse
Comme ton affluent dont le nom est Joyeuse ;
Adour, dont les bateaux, lorsque tombe le soir,
Sont comme sur la nacre un bois des îles noir,
Ou qui, dans leurs filets, prennent l'aurore rose
Parmi le vif argent des sursauts des aloses ;
Adour ! D'un geste large, et sur ce vaste plan,
Dieu t'a jetée, où tu t'avances d'un cours lent.
Et tu n'es circonscrite, à l'est, que par la lande
Aux pins égaux, qui fait parfois qu'on se demande
Devant son cercle bleu qui fait le tour de l'air
Si la terre n'est pas la même que la mer.
Ma France poétique
Et, au printemps, qui fut aussi pluvieux,
les Pyrénées laissèrent dans les cieux
couler la neige. Alors, leurs veines bleues
parurent, les rendant plus lumineuses
que du verre. Et, au flanc des neiges creuses,
les sapins firent des plaques ombreuses.
Le gave vert, couleur de vieille vitre,
s'enfla, jaunit, inonda la saligue
où les roseaux et les sabres d'iris
croissent auprès d'enchevêtrés taillis.
La fleur d'osier sema la poudre fine
de son chaton en forme de chenille.
Extrait de Jean de Noarrieu
L'ADOUR VUE DE LA HAUTEUR D'URT
Courbe d'azur tracée au milieu du pays,
Dans la division des carrés de maïs ;
Épanouissement qui rend notre âme heureuse
Comme ton affluent dont le nom est Joyeuse ;
Adour, dont les bateaux, lorsque tombe le soir,
Sont comme sur la nacre un bois des îles noir,
Ou qui, dans leurs filets, prennent l'aurore rose
Parmi le vif argent des sursauts des aloses ;
Adour ! D'un geste large, et sur ce vaste plan,
Dieu t'a jetée, où tu t'avances d'un cours lent.
Et tu n'es circonscrite, à l'est, que par la lande
Aux pins égaux, qui fait parfois qu'on se demande
Devant son cercle bleu qui fait le tour de l'air
Si la terre n'est pas la même que la mer.
Ma France poétique