Salut! Ça va?

Le temps n’a pas de prise sur l’amitié

2020-05
Une des plus belles pages de l’amitié franco-russe est devenue l’histoire du régiment français Normandie-Niemen dont les pilotes combattaient à côté des forces de l’armée soviétique pendant la Seconde Guerre Mondiale pour la paix et la liberté dans le monde entier.

Polotniani Zavod : les premiers combats en 1943


Leur histoire en URSS a commencé à Ivanovo le 28 novembre 1942 où les pilotes français ont passé quelques mois de l’entraînement.

Parmi les divers noms liés à l’histoire de « Normandie-Niemen », il en est un dont la résonance est particulière, ce nom est Polotniani Zavod dans la région de Kalouga.

Le 22 mars 1943, le groupe de chasse « Normandie », minuscule entité ayant la lourde charge de représenter la France aux côtés de la vaillante Armée rouge, quitte Ivanovo et rejoint Polotniani Zavod pour être engagé en opérations avec ses modestes moyens, limités à quatorze avions, quatorze pilotes, quarante mécaniciens et quatre membres des services généraux.

Ce jour-là, les aviateurs français sont bien loin de se douter qu’ils sont les acteurs de ce qui va devenir une extraordinaire aventure humaine…

Le « Normandie » est accueilli par le général Khondiakov, commandant la 1ère armée aérienne. Celui-ci souhaite au commandant Tulasne, puis aux autres pilotes réunis, la bienvenue dans son armée et leur souhaite le plus grand succès tout en les mettant en garde contre la force et la ruse de l’aviation ennemie.

Le terrain de Polotniani Zavod se trouve relativement éloigné du front, à environ cent kilomètres, et il a été choisi pour permettre aux Français de se familiariser avec les méthodes de combat soviétiques.

Les missions consistent surtout en escortes de bombardiers Petliakov Pe-2 du 261ème régiment du commandant Dymtchenko, ce qui permet d’exercer les pilotes français à la navigation.

Les deux premières semaines se révèlent plutôt monotones. Les Français finissent par se lasser de ces sorties où ils ne rencontrent pas l’ennemi. Et le dégel, chaque jour plus spectaculaire, ne contribue pas à leur remonter le moral. La boue est si épaisse qu’il faut parfois près d’une heure pour sortir les avions de leurs alvéoles et les placer sur la piste.

Le 5 avril 1943, le ciel est bas, chargé de gros nuages noirs. Ce jour-là, le « Normandie » se voit confier l’escorte de Pe-2 entre Roslavl et Smolensk, en plein secteur ennemi. C’est la première fois que les Français vont survoler la poche d’Orel, où les Allemands ont regroupé toutes leurs forces. Environ quarante minutes après leur décollage, les deux Yak 1 de la patrouille Durand-Préziosi sont de retour. Alors qu’il s’apprête à atterrir, Albert Préziosi fait un passage à deux cents mètres au-dessus du terrain et effectue un tonneau parfait. Du sol, des cris de joie montent dans le ciel, tandis que des casquettes, des calots et des chapkas sont lancés en l’air. Tous, Français et Russes, savent ce que signifie un tonneau lent au retour d’une mission : une victoire, et sans casse pour les siens. L’excitation monte encore d’un cran lorsque, quelques secondes plus tard, l’appareil piloté par Albert Durand exécute à son tour cette figure : deux avions ennemis (en l’occurrence deux Focke-Wulf 190) abattus au cours de la même mission.

Les premiers succès du « Normandie », deux semaines après son arrivée sur le front, valent au commandant Tulasne un télégramme de félicitations du général Khondiakov.

Le 13 avril 1943, le commandant Tulasne programme une mission de chasse libre pour l’après-midi. Trois patrouilles décollent à 15h00 : Durand-Poznanski, Mahé-Bizien, Tulasne-Derville. L’objectif est Spass-Diemiansk, au sud, entre Polotniani Zavod et Smolensk.

Aussitôt les lignes allemandes franchies, les Yak des Français sont attaqués par une dizaine de Focke-Wulf 190 qui les entraînent dans un combat tournoyant. Durand et Mahé abattent chacun un avion ennemi. Mais Yves Bizien, 22 ans, André Poznanski, 21 ans, et Raymond Derville, 29 ans, ne rentrent pas à leur base. Ils ne rentreront jamais… Ce 13 avril 1943, le « Normandie » enregistre ses premiers deuils. Leurs restes sont enterrés dans la fosse commune près de Spas-Demensk, la région de Kalouga.

Trois jours après cette triple disparition, le « Normandie » quitte Polotniani Zavod pour Mossalsk, à quarante kilomètres seulement des lignes allemandes.

Polotniani Zavod a donc une valeur hautement symbolique pour « Normandie-Niemen », il représente le premier chapitre d’une exceptionnelle histoire entrée depuis dans la Légende.

Les temps sombres à Khationki


Le 20 mai « Normandie » se déplace à Kozelsk, le 2 juin – à Khationki (près de Kozeltsk). Sur cet aérodrome se base le 18e régiment de chasse sous la direction du général Goloubev. Les pilotes du Normandie-Niemen et du 18e ont passé toute la guerre, aile dans aile, et sont devenues de véritables amis.

En août 1943 le capitaine Pierre Jeannel était arrivé : son premier tour de piste en U2 a eu lieu le 13 aout 1943 à Khationki, puis l’escadrille va appuyer l’offensive qui reprend vers Smolensk.

La période est très sombre. Roland de la Poype cite tous les morts de cette période : Jean Rey, Paul de Forges, Jean de Sibour, Albert Durand, Gérald Léon, André Largeau, André Bacou. Il dit aussi, heureusement il y aura des miraculés comme Pierre Jeannel. Le 25 septembre son avion est endommagé, il saute, son parachute se met en torche. Il tombe au milieu d’une attaque de char. Il se brise la colonne vertébrale, une infirmière va s’apercevoir qu’il n’est pas mort et va le sauver en le réchauffant et le ramène en U2 sanitaire. Bel exemple d’amitié.

Le 17 juillet le commandant Tulasne ne revient pas à la base. Mort au combat il est remplacé par Pierre Pouyade.

En somme l’escadrille « Normandie » a passé 180 jours sur les terres de Kalouga. Les pilotes français ont fait un apport mérité dans la mise en liberté de la région de Kalouga. Ils ont effectué plus de 78 combats aériens et abattu 72 avions ennemis. L’escadrille a perdu 17 pilotes français.

Pour garder la Mémoire


Dans la région de Kalouga il y a des monuments commémorant l’exploit des pilotes français et l’amitié franco-russe née aux combats communs contre l`ennemi. Une grande stèle à Polotiani Zavod, le monument à Marcel Albert à Kozeltsk, le monument de l`amitié franco-soviétique et l`allée des Héros du Normandie-Niemen sur l’aérodrome Khatenki symboles de l’amitié indéfectible entre la France et la Russie, pour honorer ces hommes qui ont si bien servi leur patrie

Mais ce qui est plus important c’est la mémoire qui vit dans les cœurs des gens, la mémoire qui passe d’une génération à une autre.

En 2012 l’aérodrome Khationki a été restauré et est devenu la base de l`aéroclub du Normandie-Niemen dont le Président est Grigori Grintchenko, pilote et amateur de l`aviation. Il a été inspiré par l’histoire du Normandie-Niemen qui était d`abord l’escadrille puis le régiment et maintenant reste l’escadron français le plus connu. Grigori a donné la deuxième vie à ce lieu légendaire qui après la guerre est devenu le champ agricole. Grâce à lui et son équipe l`aérodrome garde toujours cette ambiance historique et ressemble au musée sous le ciel ouvert avec ses huttes et ses tranchées dans le bois de bouleux à côté.

Tous les avions de l’aéroclub ont l’insigne du Normandie-Niemen : deux lions d’or sur le fond rouge sombre. Les oiseaux d’acier montent en air pour montrer aux visiteurs la beauté de la région de Kalouga, ses champs, ses rivières et ses cathédrales.

Les Français viennent souvent à Khationki. Ils sont très reconnaissants à ceux qui gardent et partagent avec eux cette mémoire.

A Kalouga à l’école №19 il y a le musée consacré à la voie glorieux du régiment qui conserve le souvenir de la fraternité militaire entre les mécanos soviétiques et les aviateurs français pendant la Deuxième Guerre Mondiale et qui est devenu le pont d`amitié entre la Russie et la France. Nous avons eu l’honneur d’accueillir l’Ambassadeur de France en Russie Jean Cadet, les membre du Mémorial Normandie-Niemen avec la fille de Pierre Jannel Geneviève Bommelaer, le Président de l’association «Espace Normandie-Niemen» François Colinot, l’attaché de l’air Marc Zermann, historien et archéologue français Pierre Malinovski, Jonas Berteau qui est parti en voyage à vélo de la France en Russie pour rendre hommage aux hommes et aux femmes luttant contre le fascisme et pour faire apprendre à tous les Français la plus belle page de l’amitié franco-russe qui était écrite par les pilotes du Normandie-Niemen.

Les objets les plus précieux du musée sont ceux qui étaient retrouvés sur les champs de bataille par les élèves de l’école sous la direction du professeur d’histoire Valeri Serguéév. En outre, il y a les fragments de Yak-1 retrouvés dans le lac de la région de Smolensk et des artefacts (retrouvés en France près de Reims) de la Première Guerre Mondiale où la Russie et la France étaient aussi les frères de combats. Ces objets sont les résultats de recherches de l’équipe franco-russe sous la direction de Pierre Malinovski.

A la base du musée il existe deux groupes d’aviation qui portent le nom de Marcel Albert et de Roland de la Poype, deux pilotes qui ont reçu le titre du Héros de l’Union Soviétique. Les membres de ces deux groupes font des visites guidées au musée en français et en russe, visitent des musées et des bases d’aviation, participent aux concours, écrivent des poèmes et font vivre l’histoire du NN en Russie et en France.

Grace à toutes les personnes en Russie et en France pour qui cette histoire est devenue la leur la mémoire du Normandie-Niemen vivra pour toujours et fera vivre les sentiments les plus sincères pour construire tous ensemble ce Pont d’Amitié franco-russe.