Salut! Ça va?

« Fashion is Indestructible »

2020-05
« La mode » – à quoi pensez-vous lorsque vous entendez ce mot, quelles images provoque-t-elle ? Chacun a sa réaction émotionnelle face à ce mot. Certains pensent aux tendances de la saison, d’autres imaginent les couturiers et les mannequins les plus connus ou leurs marques préférées. L’un voit certainement la couverture d’un magazine de mode qu’il a acheté et n’a pas encore commencer à feuilleter. De belles photos, des décors surprenants des défilés, de jolies robes, des tendances de printemps regardées hier sur Internet, plusieurs images reviennent sans cesse dans notre mémoire. Mais est-ce que quelqu’un voit les images sombres, envahi par le désespoir : les maisons de couture fermées, la publication de certains magazines, ainsi que la production des vêtements sont suspendues, la hausse des prix, la manque des matières, la mode règlementée et le pays en pleine crise vestimentaire.
On ne parle pas beaucoup de la mode des années de guerres, pourtant la mode existe toujours et change constamment. Ainsi, la mode des années 1940 est beaucoup marquée par les événements historiques : la guerre, l’occupation, la libération, la crise économique, sociale et politique. La Seconde Guerre mondiale figure parmi les pages les plus terrifiantes de l’Histoire. Plusieurs pays ont été impliqués dans cette guerre, les combats ont eu lieu sur les vastes territoires de l’Europe. Contrairement à la période de la Première Guerre mondiale, lorsque la guerre éclate en France l’industrie de la mode s’arrête presque. Pour la mode française, mondialement connue et réputée, ce fut l’un des plus douloureux moments.
En s’éloignant des champs de bataille, de violence et des terreurs d’une des plus horribles guerres de l’histoire humaine parlons de la mode féminine des années 1940. La Seconde Guerre mondiale a-t-elle vraiment changé la mode du XXe siècle ?

Vogue avant-guerre
Un des plus connus magazines de mode Vogue Paris arrête la diffusion en France en juin 1940. En feuilletant Vogue du mars 1940 on comprend que le ciel n’était pas sans nuages, même sur la couverture on remarque deux militaires, comme une illusion à la guerre qui ravageait récemment le pays. Les premières pages révèlent les difficultés des couturiers français de cette époque obligés de jongler entre la France et l’Étranger. Les clients étrangers ont besoin des « quintessences de l’air de Paris » et des « créations de fantaisie et d’audace », lorsque les Françaises souhaitaient de l’élégance sobre, pour garder le fameux charme français.

Selon les conseils d’un des derniers numéros de Vogue publié avant la guerre, le costume tailleur doit être à la première place dans chaque garde-robe. Ce costume en tweed, en flanelle se compose de deux parties contrastées : jupe marine, jaquette rouge ou jupe grise et jaquette rouille. La commodité est à la mode, les chapeaux rigides ne sont plus d’actualité, les turbans ou les coiffures souples mettent en valeur les costumes tailleurs. La fameuse élégance des Françaises prend ses formes sur les pages de Vogue. On voit des robes du soir des années 40 : simple de lignes, noire mais brillante grâce aux broderies et paillets.

Vogue d’avril-mai réclame encore plus de praticité, « la mode doit être sobre et modeste », il faut avoir un ensemble net et convenable pour les diverses occasions. Le seul cheval de bataille laissé aux couturiers et leur imagination est le chapeau. Qu’ils soient en feutre, en peau, en paille légère, en crin, les chapeaux des couleurs claires et gaies envahissent les maisons de couture. Penchés en avant avec un coiffant qui s’appuie sur l’arrière de la tête, les chapeaux actuels sont décorés par fleurs en feutre, fleurs lumineuses et même de vraies fleurs.

Les vestiges de la première guerre se prononcent dans les tendances militaires, ainsi les attributs guerriers imprimés en crêpe bleu décorent des jolies robes du printemps. Les trompettes et les tambours font partie des motifs de cette époque.

La coiffure marquante de ce temps, que nous pouvons apercevoir dans plusieurs films de guerre, est soi-disant « capricorne ». Les cheveux divisés sont ramenés de chaque côté dans une volute au-dessus des oreilles, ce que nous rappelle un capricorne. Il y a une autre version de cette coiffure où les cheveux sont croisés à plat sur la nuque et appliqués dans un mouvement de torsade. Le maquillage élégant avec un rouge à lèvres rose-rouge près de la teinte naturelle est un trait final dans le look d’une femme sophistiquée de l’année 1940.

Les tendances et les silhouettes élégantes restent au deuxième plan quand la guerre s’emballe : les hommes partent en guerre, les femmes font la queue pour se ravitailler en biens tandis qu’une majorité d’usines sont réquisitionner pour les besoins de l’armées.

Mais comme Christian Lacroix a justement remarqué : s’habiller et rester belle devient un « acte de résistance ». Cela nous rappelle la fameuse chanson de Maurice Chevalier Paris sera toujours Paris.

Emmailloter de terre battue

Toutes les beautés de nos statues

Voiler le soir les réverbères

Plonger dans le noir la ville lumière

Paris sera toujours Paris !

La plus belle ville du monde.


Pour sauver la mode et embellir les années difficiles il y a une solution : DIY (do it yourself). Alors, la réalité des années 1940 proclame la mode de débrouille et d’inventivité. Allons découvrir les astuces de ces femmes courageuses et de leur rendre hommage pour la résistance et la beauté.

Semelles en bois
À ce moment-là, les Françaises commencent à porter des chaussures en semelles en bois ce qui lance donc une nouvelle tendance. Aujourd’hui, on retrouve de telles semelles sur les sabots et mules, mais ce n’est qu’un élément du style, pourtant à l’époque de guerre les chaussures faisaient des affaires en or. Donc la semelle en bois est la réponse des fashionastas à la pénurie. Le bois était facile à trouver mais en revanche le cuir était réservé aux militaires ce qui poussait les femmes à en chercher partout : de grands sacs à mains ou d’une ancienne veste en cuir usagée. Et qu’est-ce qu’elles s'estimaient chanceuses d’avoir trouvé un bon artisan chausseur pouvant faire des merveilles avec ce matériel précieux! Pour pallier le manque de souplesse du bois, la semelle est alors réalisée en deux morceaux articulés, reliés par une pièce de cuir ou de matière végétale. Bien que ces chaussures soient lourdes et inconfortables, la semelle compensée est si courue dans les années 1940 que Maurice Chevalier y consacre une chanson « La symphonie des semelles de bois».

J’aime le tap, tap, tap des semelles en bois

Ça me rend gai, ça me rend tout je ne sais quoi

Lorsque j’entends ce rythme si bon

Dans mon cœur vient comme une chanson


Le sac à bandoulière
Ces petits sacs nous semblent assez pratiques pour aller se promener tout en restant stylée mais pour les femmes de guerre la praticité avait un côté différent : le sac pouvait contenir un compartiment destiné au masque à gaz. Les sacs à bandoulière sont privilégiés afin de faciliter les voyages à vélo et les longues marches. Et comme les chaussures, les sacs à main ne sont plus en cuir, celui-ci est destiné au renforcement des uniformes des soldats, donc pendant la guerre et jusqu’à dans les années 1950 les sacs se font de tissu.

Les bas « liquides »
Cette pièce assez délicate de la garde-robe d’une femme, les bas sont en pénurie pendant la guerre. Vu que c’est le temps de l’inventivité, une des plus fameuses marques françaises propose une solution inventive aux femmes qui ont toujours envie d’embellir leurs jambes. L’Oreal commercialise alors « Ambresoie », « un colorant liquide qui donne à la jambe les tons chauds et ambrés des plus jolis bas de soie ». Pour celles qui veulent imiter les bas à la perfection, la marque vend deux produits de teints différents : le plus clair pour teinter les jambes et le plus foncé pour tracer une ligne droite à l’arrière de celles-ci. Mais il serait donc injuste de citer que l’Oreal étant la seule marque qui produisant les bas “liquides”, en outre les laboratoires Bienaimé ont créé un fond de teint « bas de soie ».

La robe de mariage en toile de parachute
Il est bien connu que les guerres et tous les désastres improbables sont heureusement impuissants devant l’amour, et c’est le cas pendant la Seconde Guerre mondiale. Les gens s’aiment et se marient malgré tout.

Pendant la pénurie de matériel, il n’y a pas de pénurie de sentiment, ni de créativité : les jeunes mariés trouvent des idées pour rendre le jour de mariage l’un des plus mémorables moments de leur vie. Ainsi, une des histoires les plus romantiques est celle de Marguerite Dubosq et Albery Bigot, mariés en pleine guerre, le 6 septembre 1944. La jeune femme était charmante comme toutes les jeunes mariées le jour de leur noce, en jolie robe blanche faite par une cousette du village. Mais comment ont-ils pu trouver de si beau tissue pour la robe de mariage dans ces temps difficiles ? La robe est faite de toile de parachute donné à la famille par un parachutiste américain. Cette robe était transmise de génération à l’autre, en restant l’héritage familial sentimental, jusqu’à ce que la robe fût offert au musée d’Utah Beach en Normandie.

Vogue, janvier 1945, numéro spécial « Libération », couverture de Christian Bérard
Le numéro de Vogue paru en janvier 1945 marque le début d’une nouvelle époque. Les horreurs de guerre sont presque passés. Le monde et la mode vont changer. Ce numéro spécial hors-série intitulé « Libération » et publié après quatre années d’interruption devient en quelque sorte le symbole de la renaissance du pays et de la mode. Malgré le fait qu’en 1945 cette revue ne peut pas encore assurer une parution normale et régulière, pour le rédacteur en chef, Michel de Brunhoff, Vogue Libération a eu très grande importance. Dans ce numéro il rend hommage aux femmes quant à leur contribution dans tous les domaines en temps de guerre. Les pages de Vogue sont pleines de couleurs, de fleurs et de rubans. Les chapeaux remplacés pour un moment par les casques reviennent à la mode. La silhouette de 1945 est de toutes les couleurs : du bleu chez Balenciaga, du vert chez Jeanne Lanvin, du jaune chez Madeleine Vramant, du rouge chez Schiaparelli.

Le New Look de Christian Dior
Après la guerre la mode des années 1940 connaît une nouvelle révolution. Les Français épuisés des horreurs, de la détresse infinie, de la peur retrouvent petit à petit leur vie normale, le goût et la beauté de la vie. Ils sont prêts aux changements, ils cherchent à s’amuser et désirent à repartir à zéro et retrouver leur bonheur.

Les maisons de coutures parisiennes reviennent à la vie comme tout le pays. Elles reprennent progressivement leur activité. Et c’est à ce moment-là qu’un certain couturier, qui vient d’ouvrir sa maison, bouleverse la mode et la société d’après-guerre. Le 12 février 1947, Christian Dior présente à Paris sa collection « Corolle ». Le couturier choque le grand public avec la silhouette changeant complètement les codes de la féminité et l’histoire de la mode : « Nous sortions d’une époque de guerre, d’uniformes, de femmes-soldats aux carrures de boxeurs. Je dessinai des femmes-fleurs, épaules douces, bustes épanouis, tailles fines comme lianes et jupes larges comme corolles ». Des vestes cintrées aux épaules arrondies, des jupes amples sous les genoux, la taille extrêmement marquée ce qui met la poitrine en avant, voilà la « recette » d’une révolution dans l’industrie de la mode des années 1940. En fait cette collection est une réaction à l’austérité imposée pendant la période d’Occupation. Christian Dior essaye de lutter pour le retour à la vie normale : « Nous sortions à peine d’une époque démunie, parcimonieuse, obsédée par les tickets et les points-textile. Mon rêve prenait donc naturellement la forme d’une réaction contre cette pauvreté ».

La rédactrice en chef de Harper’s Bazaar, Carmel Snow, fascinée par ce défilé félicite Christian Dior en disant que c’est une vraie révolution, que ses robes sont magnifiques, et que c’est vraiment le new look. Par la suite cette silhouette sublime et hyper féminine sera surnommée le « New Look ». Christian Dior rencontre tout de suite le succès en Europe et aux États-Unis. Ainsi, peu après la libération, le luxe et la haute couture fêtent enfin leur retour après une assez longue période de guerre. Paris devient à nouveau la capitale de la mode. C’est la fin de la guerre, de l’horreur, de la mort et de la restriction. La mode et les Français retrouvent finalement leur liberté autant désirée.

Sources utilisées :
BENAÏM, Laurence, Yves Saint-Laurent, Paris, Grasset, 2018.
DIOR, Christian, Christian Dior et moi, Paris, Librairie Vuibert, 2011.
PETIT, Elodie, « On s’inspire de la mode des années 40 », ELLE [En ligne] consulté le 29 avril 2020.
« Il était une fois... La mode des années 1940 », [P]MODE [En ligne], consulté le 29 avril 2020.
Vogue, Paris, mars et avril-mai 1940, les éditions Condé Nast, Gallica [En ligne] consulté le 15 avril 2020.
« Vogue en janvier 1945 », Dailymotion [vidéo en ligne] mis en ligne en 20 11, consulté le 20 avril 2020.
« Femmes des années 40 », l’exposition au musée de la Résistance et de la Déportation à Grenoble.