Depuis le début du 18e siècle, les liens entre la France et la Russie se sont resserrés et a la veille de 1789, la « Moscovie » n’était plus une contrée ignorée et inconnue, du moins pour une partie de la noblesse et de la bourgeoisie françaises. A Moscou et à Saint-Pétersbourg en particulier des « colonies » de commerçants, artisans et artistes, professeurs et précepteurs s’étaient enracinés.
A partir de 1790, cette présence française se renforce avec l’afflux croissant de nobles, d’ecclésiastiques et de roturiers qui ont préféré échapper à la tourmente révolutionnaire. Il s’y ajoute en 1812, pendant quelques mois, plus de 300 000 soldats et officiers de la Grande Armée dont une partie restera prisonnière jusqu’en 1815. Avec le retour de la paix, des voyageurs nombreux parcourent l’empire de Russie.
Mais c’est avec le rapprochement diplomatique militaire et économique entre les deux nations dans les années 1890 que la présence française devient plus importante et plus profondément insérée dans la vie russe.
Partons à la découverte des coins français dans la capitale russe et de leur riche histoire, ancienne ou récente !
La paroisse Saint-Louis-des-Français
L’Église Saint-Louis-des-Français est une des trois églises catholiques à Moscou.
Par un accord conclu avec la France le 31 décembre 1786, les Français vivant en Russie reçoivent l’autorisation d’ouvrir leurs églises : une liberté totale de confession est accordée aux sujets français en Russie. Au lendemain de la prise de la Bastille à Paris, le vice-consul de France à Moscou, Monsieur Condert de Bosse, demande à l’impératrice la permission de construire une église française à Moscou. La paroisse Saint-Louis-des-Français à Moscou est créée par Catherine II en 1789 par un décret adressé au général Eropkine, commandant en chef à Moscou et chargé des questions religieuses. L’autorisation de construire est accordée le 5 décembre 1789 sur un terrain situé en plein cœur de Moscou dans le faubourg allemand.
En 1790 la première pierre de l’église est posée dans le centre de Moscou. Ce n’est qu’au début des années 1830 que l’église actuelle est élevée. Le 24 novembre 1835, l’église française de Saint-Louis est consacrée par le vice-doyen de Moscou, Mgr Igor Motchoulevski, en présence «de toutes les autorités de la ville ». Cela constitue une étape majeure de l’intégration des Français à Moscou.
A l’intérieur de l’église un des autels est consacré à la Sainte Vierge de Lourdes et l’autre – aux Saints français. Dans l’autel de la nef à gauche il y a des statues des Saintes protectrices de France : Sainte Jeanne d’Arc et Sainte Thérèse de Lisieux.
Au début du XXe siècle à Moscou, les catholiques sont nombreux à assister aux différents offices et temps forts de l’année. Un bulletin paroissial, inauguré en 1900, permet de confronter des liens entre les expatriés et de partager des évènements, tant locaux que français. Les articles comme les informations et publicités rendent compte du dynamisme, non seulement de la paroisse mais aussi plus largement de la colonie française à Moscou. Le clergé s’efforce de créer ce qui manque aux familles françaises éloignées de chez elles : un lieu de fraternité et de solidarité ; un « petit coin de France » pour les nostalgiques de la « mère patrie ». La paroisse Saint-Louis-des-Français est créatrice de lien social et de sécurité pour les Français expatriés, surtout dans un pays au climat rigoureux et à la culture bien différente de celle de l’Occident. Ainsi, avant la révolution 1917, les Français de Moscou trouvent dans la paroisse un peu ou beaucoup de leur terre natale. Ils y retrouvent des noms qui leur rappellent Paris, des connaissances faites par leurs enfants dans les écoles françaises, un esprit français qui leur fait oublier un peu l’exil dans un pays lointain.
L’église n’a pas été fermée même après la révolution de 1917. Elle parvient à maintenir tant bien que mal le culte catholique pendant tout le régime soviétique. La surveillance mise en place par le KGB tout proche et les persécutions menées à l’encontre des catholiques rendent de plus en plus difficile la fréquentation de ce lieu de culte.
Malgré les arrestations parmi le clergé des 1923 et les déportations multiples, les catholiques luttent à Moscou pour leur survie. Ce haut lieu de la résistance catholique assure la continuité d’une foi chrétienne mais aussi celle de l’histoire marquée par une longue présence française.
Lycée français Alexandre Dumas
Aux cotes des prêtres et des paroissiens, quelques femmes jouent un rôle essentiel au sein de la colonie française à Moscou, tant sur le plan matériel que spirituel et humain : les sœurs de Saint-Joseph de Chambéry.
Les religieuses de Chambéry s’installent en Russie pour la première fois en 1863. L’abbé Lubiensky, curé de la paroisse française, a besoin de bras pour s’occuper de la charité et il les sollicite pour une cause bien déterminée : la prise en charge de l’école de fille installée sur le terrain de la paroisse polonaise Sant-Pierre-et-Paul de Moscou.
Une autre vague de religieuses savoyardes arrive à Moscou en 1889. Elles sont appelées pour s’occuper avant tout des enfants scolarisés dans la nouvelle école française de fille inaugurée cette année-là sur la paroisse Saint-Louis-des-Français : l’école Sainte-Catherine. Cette école et l’école pour les garçons Saint-Philippe-de Néri (construite en 1861) gagnent rapidement en notoriété, au rythme de leur modernisation et de la présence d’un personnel compétent. L’école Sant-Catherine, devenue à la veille de la Première Guerre mondiale une école de haut standing, élargit son recrutement aux non-catholiques et devient une référence de la présence intellectuelle française à l’étranger. Elle est équipée d’un très bon matériel récent dont les élèves bénéficient avec joie. Elle offre un cadre de vie agréable qui permet une réelle qualité de travail et des résultats à la hauteur des attentes. D’une bibliothèque riche et neuve jusqu’au cinéma, tout y est pour permettre aux jeunes filles d’acquérir de solides connaissances, adaptées à la modernité de leur temps. Le privilège du cinéma éducatif à domicile n’est assurément pas donné à tous les élèves moscovites au début du XXe siècle. L’école est un pôle d’excellence qui attire toujours plus de Russes et d’étrangers diverses et devient quasiment un lycée international pour les jeunes filles. L’essor de l’école Sainte-Catherine renforce l’fluence française en Russie. Jusqu’à la révolution de 1917, elle laisse l’image d’une formidable réussite des relations diplomatiques entre les deux pays.
Après la révolution de 1917 les écoles françaises sont devenues mixtes et laïques. Alors que les religieuses de Saint-Josèphe de Chambéry rejoignent la France au printemps 1919, une nouvelle institution scolaire est fondée : l’école №2 Romain Rolland.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, deux écoles de garçons s’installent dans ces locaux : l’école dite 287, réservée à la nomenklatura du régime, et l’école 276. Mais à la fin des années 1960, les bâtiments ne retentissent déjà plus les cris des enfants car affectés au KGB (archives et services de sécurité). Quelques décennies plus tard, l’ensemble du quartier est truffé de cameras, placés sur les murs mêmes des anciennes écoles, devenues silencieuses.
Il faut attendre l’année 1990 et le climat nouveau instaurée par la perestroïka de Gorbatchev pour que la situation évolue de façon très nette. Cette année-là, un lycée français ouvre en lieu et place des anciennes écoles Sainte-Catherine et Saint-Philippe-de-Néri. En 1997, le bâtiment historique, rue Milioutinski confisqué en 1960, est attribué à la France sous la forme d’un bail de 49 ans, les travaux commencent en 1999. Et quelques années plus tard, le président de la République Française Jacques Chirac vient inaugurer le lycée français Alexandre Dumas. Ce nom est donné en souvenir du passage à Moscou du grand écrivain français, durant l’été 1858.
Le lycée français est alors implanté sur deux sites : IDF (école maternelle et primaire) et Milioutinski (collège et lycée). Les effectifs grandissants, un troisième site est alors ouvert dans une école russe.
En 2015, le lycée français inaugure l’école maternelle et primaire Ivan Bounine.
La parfumerie Rallet
D’origine dauphinoise, les deux frères Eugene et Alphonse Rallet tentent l’aventure russe vers 1840. Le cadet, Alphonse part le premier pour Moscou, où il crée en 1843 une fabrique de produits chimiques et de parfumerie. L’aine le rejoint plus tard. Les deux frères parviennent rapidement à se faire un nom sur le marché. La maison Rallet devient à partir de 1855 le fournisseur officiel des cours de Russie, du Monténégro et même de Perse. Elle sait s’adapter à la clientèle russe et propose régulièrement des parfums nouveaux et notamment des spécialités d’eau de Cologne aux fleurs. Parmi les grands parfums produits et dont elle assure la publicité jusque dans le bulletin paroissial français qu’elle sponsorise, on trouve : « Idéal », « Muguet », ou « Lilas nouveau », nouveautés de l’année 1917. Si les deux frères décident un beau jour de rentrer en France, où ils décèdent – Eugene en 1865et Alphonse le véritable fondateur en 1894 – leur société s’enracine en Russie et continue de gagner des parts de marche.
Leon Chiris, industriel négociant en parfumerie originaire de Grasse, rachete la société Rallet en 1896. Celui-ci met en place une importante stratégie de développement international. L’orientation est poursuivie par son fils Georges, ainsi que par ses deux filles, qui épousent deux fils du président français Sadi Carnot. La maison Rallet devient ainsi l’un des plus gros producteurs de parfums au monde. Au début du XXe siècle, la société dirigée par Chris possède trois magasins de détail à Moscou et fait travailler quelque 1000 ouvriers.
En 1926 la société Rallet a été vendue à François Coty. Un des arômes les plus connus de cette époque-là fut Rallet №1. On perd les traces de Rallet dans les années de la seconde guerre mondiale, et en 1963 la marque Rallet fut rachetée par la grosse maison Pfizer&Co. Pourtant en 2013 le nom de la famille du fameux producteur français Rallet fut ressuscitée. Quatre aromes de luxe ont été créées. L’une d’elle porte le nom « 47, rue Viatskaya ». Il s’agit de l’adresse du bâtiment historique ou la société Rallet fut installée au tout début. Actuellement c’est un des bâtiments de la fabrique russe des produits de beauté « Svoboda ».
Le Corbusier
Au début du XXe siècle, Le Corbusier, le célèbre architecte français, théoricien, fondateur du fonctionnalisme architectural, artiste et designer mondialement célèbre, a envisagé de transformer Moscou en une immense ville-jardin parsemée de gratte-ciels, impliquant par conséquent la destruction des sites historiques à l’exception du Kremlin, de la place Rouge et de quelques bâtiments qu’il considérait dignes d’intérêt.
Certains ambitieux projets du Corbusier, pour le plus grand bonheur des amateurs d’histoire, n’ont jamais été concrétisés. Le destin a ainsi voulu que le centre de Moscou n’accueille que l’une de ses créations, le bâtiment du Tsentrosoyouz (1928-1936), se dressant sur la rue Miasnitskaïa. Ce bâtiment d'une trentaine de mètres de hauteur est construit entre 1928 et 1936 pour héberger le ministère soviétique de l'Industrie légère. C’est le premier exemple de travail conjoint d'architectes soviétiques et européens dans l’esprit d'un style international qui est devenu à la mode dès le début des années cinquante partout dans le monde.
Il est classé monument historique, rénové en 2013 et abrite aujourd'hui les locaux de l'Institut russe des statistiques (Rosstat). Le Centrosoyouz, avec sa rotonde sur pilotis à l'entrée et ses façades entièrement vitrées, faites de fenêtres en bandeau, reprend plusieurs codes du «Mouvement moderne» définis par Le Corbusier. En dépit de ses surprenants murs en tuf rouge -une roche volcanique tendre-, ce bâtiment imposant qui allie les courbes et les angles s'intègre parfaitement dans l'architecture néo-classique du centre-ville de Moscou.
Dix-sept réalisations de Le Corbusier dans sept pays (France, Suisse, Belgique, Allemagne, Argentine, Japon et Inde) ont été sélectionnées par l'Unesco en juillet 2016. Et le Centrosoyouz, bâtiment très important pour l'héritage moderne, est souvent cité comme un candidat susceptible de rejoindre cette liste.
En 2015 un monument à Le Corbisier est inauguré à Moscou. L’effigie de l’architecte est placée devant l’immense bâtiment du Centrosoyuz, au 39, de la rue Miasnitskaya, le seul édifice de Le Corbusier dans la capitale russe.
La maison « Normandie-Niemen »
La maison entretient le souvenir des aviateurs français et des mécaniciens soviétiques qui, de 1942 à 1945, ont lutté côte à côte sur le sol russe, pour une cause commune.
L’immeuble, situé sur les bords de la Moskova, a été construit en 1904 par le marchand et amateur d’art Tsvetkov pour y abriter sa collection de gravures. Son architecte, L. N. Vasnetsov s’inspire du style russe du XVIIe siècle et a l'idée d’un toit en forme de carène.
Dès 1909, Tsvetkov fait don de son « palais-musée » à la ville de Moscou. Le musée Tsvetkov devient le lieu de rencontre fréquenté par tous les artistes peintres et écrivains russes du début du siècle. En 1926, le musée Tsvetkov est annexé à la galerie Trétiakov, dont il devient une filiale abritant notamment la section des estampes. Les collections ayant été mises à l'abri en 1941, au début de la guerre germano-soviétique, la maison reste inoccupée jusqu'au milieu de 1942, date à laquelle le gouvernement soviétique y installe « la mission militaire française » aux ordres du Général Petit, envoyé par le Général de Gaulle en tant qu’attaché militaire de la « France libre ».
Le Général Petit y prépare l’arrivée du groupe de chasse « Normandie » qui devait devenir plus tard, en se renforçant, le régiment de « Normandie-Niemen». Créé le 1er septembre 1942 par le Général de Gaulle, le groupe « Normandie » arrive en URSS, via Téhéran, à la fin novembre. Aux ordres du Commandant Tulasne, il comprenait initialement 61 Français dont 12 pilotes.
Après une période d'entraînement le groupe participe à une première campagne de mars à novembre 1943 dans le cadre de la 303ème division aérienne de chasse (Général Zakharov) sur le front Sud-Ouest de Moscou. Au cours des quatre journées de la seule bataille d'Orel, « Normandie » exécute 112 sorties, abat 17 avions, mais perd 7 pilotes dont le Commandant Tulasne.
Le Commandant Pouyade prend le commandement en août et les mécaniciens français sont remplacés par des mécaniciens soviétiques. Au cours de cette première campagne, le groupe inscrit 72 victoires aériennes à son palmarès. De mai à novembre 1944, il participe à une deuxième campagne en Bielorussie, puis en Lithuanie, après avoir changé ses YAK-1 contre des YAK-3. En juillet, un ordre du jour du Haut Commandement soviétique ajoute à son nom celui de « NIEMEN » en récompense de son action au cours des opérations de franchissement du fleuve.
Début décembre 1944, le personnel du « Normandie-Niemen » est regroupé à Moscou pour y recevoir la visite du Général de Gaulle. Dès le 12 décembre 1944, le régiment entame sa troisième campagne, en Prusse Orientale. Le Commandant Delfino prend le commandement du « Normandie-Niemen ». Cette campagne se termine avec la victoire le 9 mai 1945. Le 15 juin 1945, le régiment quitte l'Union soviétique avec les appareils sur lesquels il a combattu, ses quarante YAK-3, don des autorités soviétiques en récompense des faits d'armes accomplis.
La façade de l’immeuble porte deux plaques commémoratives :
- une plaque rappelant la mémoire des pilotes français tombés sur le front soviétique. Cette plaque a été inaugurée le 18 mai 1956 par Monsieur Guy MOLLET, alors Président du Conseil, en présence du Maréchal JOUKOV, à l'époque ministre de la Défense.
- une plaque apposée ultérieurement, à la demande des autorités soviétiques, indiquant que « dans cet édifice se trouvait à l'époque de la grande guerre patriotique la mission militaire française ».
L’ambassade de France Jusqu’en 1924, date à laquelle les relations diplomatiques entre la République Française et l’U.R.S.S. sont officiellement rétablies, l’Ambassade de France en Russie se trouvait à Saint-Pétersbourg dans l’hôtel Pachkov que la France avait acquis en 1890.
Depuis 1760, en consulat de France était implanté à Moscou. Au début du XXe siècle, il était logé dans un immeuble rue de la Petite Loubianka donné en 1904 à l’État français par un marchand de Moscou, Auguste Loutreuil. La parcelle toute entière était dévolue aux Français puisque, outre l’église nationale, Saint-Louis-des-Français, on y trouvait les deux écoles de la communauté, ainsi qu’un hospice de vieillards. En 1907, le ministère chargeait le Moscovite Roman Klein d’étudier sur place les moyens d’améliorer les conditions de logement de la délégation française. En 1911 un concours est ouvert pour la construction d’un groupe d’édifices à élever sur les terrains du gouvernement français entre la rue Mikioutinski et la petite Loubianka. En 1912, le comité d’administration des fondations françaises à Moscou est autorisé à hypothéquer les immeubles de la parcelle de la Petite Loubianka afin de financer de futurs travaux.
La guerre puis la révolution d’Octobre interrompent ce qui devait permettre à la délégation française à Moscou de disposer d’une vaste représentation moderne adaptée à ses futurs besoins. Lors du rétablissement des relations diplomatiques entre la jeune U.R.S.S. et la République en 1924, le petit quartier français n’existait plus en tant que tel et le transfert de l’ambassade de Saint-Pétersbourg à Moscou nécessitait de trouver rapidement des solutions.
L’ambassade s’installe à titre provisoire dans l’hôtel Medyntsev bâti en 1907 par F. Voskresenski. Les négociations pour trouver un nouveau siège etaient longues. Neuf ans après l’installation « provisoire » dans l’hôtel Medynstsev, la chancellerie déménage au 7, Granatny pereulok. Il s’agissait d’une des plus belles maisons en style Tudor de Moscou, l’hôtel Léman construit en 1896 par A. Erikhson. La séparation géographique entre la résidence de l’ambassadeur et la chancellerie ainsi que l’inadaptation des espaces intérieurs poussent cependant les Français de chercher une autre solution. L’État soviétique fait des propositions qui sont un reflet de la politique de nationalisation après la révolution d’Octobre. La maison Igoumnov située au sud du cœur historique de la capitale, dans le quartier Zamoskvoretche, figure dans la liste des propositions des septembre 1936. Ce quartier de Moscou est considéré comme le plus pittoresque, le pus authentiquement russe de la ville, il n’est pas réputé d’être un quartier d’ambassades. La rue dans laquelle se situe la maison Igoumnov, la Grande Iakimanka, relie le Kremlin, situé sur la rive gauche du fleuve, avec le sud-ouest de la ville.
La famille Igoumnov vient à Moscou de Iaroslavl, s’y installe et en 1851 elle acquiert la maison appelée plus tard Igoumnov. On retrouve sur sa façade tous les poncifs de l’architecture traditionnelle russe : coupole « en tonneau » recouvrant la tour de l’escalier d’honneur ; perron de l’entrée recouvert d’un chatior, ce toit en forme de tente; pavillon central traité comme un terem, le palais dans lequel résident els personnages des contes populaires. Des éléments Renaissance comme les bossages en facette encadrant la baie du premier étage du pavillon droit, rappelant le palais des facettes du Kremlin, voisinent avec des carreaux de céramiques dessinés dans un style néo-médiéval par l’atelier de Viktor Vasnetsov.
C’est donc un des plus beaux exemples du style national russe que choisissent l’ambassadeur et le ministère des affaires étrangères français pour le siège de la délégation nationale. Les Français se voient obligés de concilier les exigences de conservation d’un des plus beaux hôtels particuliers de Moscou avec les besoins d’une ambassade moderne, tout cela sous la surveillance tatillonne et intéressée des autorités soviétiques.
Comme il était impossible d’acheter le terrain ou l’immeuble les autorités françaises avaient pensé échanger la propriété de l’ancienne ambassade à Saint-Pétersbourg avec celle de la maison Igoumnov, mais les Soviétiques refusent. Un contrat est alors passé le 5 mars 1938, portant sur la location du 45, Grande Iakimanka, pour un loyer annuel de cent mille roubles.
Après la rupture des relations diplomatiques entre l’U.R.S.S. et le gouvernement de Vichy, le personnel français est évacué en juillet 1941 et els immeubles de la Iakimanka sont pris en charge par l’ambassade de Turquie. En novembre 1944, le général de Gaulle reprend possession des lieux. A son arrivée à Moscou en janvier 1945, le nouvel ambassadeur, le général Catroux, constata que l’immeuble ne semblait pas avoir souffert de la guerre. Seulement, les effectifs du personnel diplomatique ayant augmenté, la place vient à manquer. Des novembre 1946 on envisage la construction d’une nouvelle ambassade à Moscou dont les plans seraient préparés par des architectes français et qui serait construite par la main-d’œuvre et avec des matériaux fournis par les Russes. Une nouvelle chancellerie est édifiée en 1979 à proximité de la maison Igoumnov.
Plus de soixante-dix ans après la Fondation Loutreuil, un quartier français renaissait au cœur de Moscou.
Sources utilisées : 1/ Paul Gerbod « D'une révolution, l’autre : les Français en Russie de 1789 à 1917 » / Revue des études slaves. – 1985. – pp. 605-620. 2/ Sophie Hasquenoph « Les Français de Moscou et la révolution russe (1900-1920). – Les éditions « Époques ». – 2017. 3/ Basile Baudez « L’Ambassade de France à Moscou » / Architecture et diplomatie. 2002. – pp. 69-85. 4/ jacqueschirac-asso.fr 5/ fr.rbth.com